Amours Celtes sexe et magie
l’admirable film de Liliana Cavani, Portier de nuit (amour fou de la victime pour son bourreau), et l’amour peut tout aussi facilement devenir de la haine, comme le démontre la légende de Médée (la femme délaissée se vengeant sur ses enfants pour assouvir sa colère contre son époux Jason). Que de tragédies autour de l’amour, qui nourrissent l’imagination des poètes, des écrivains et des artistes d’une façon générale ! On pense bien entendu à la fameuse « déclaration » de Phèdre à Hippolyte dans l’œuvre de Racine, où la cristallisation des pulsions de l’héroïne suit le chemin bien connu des psychanalystes, celui du transfert, en l’occurrence le déplacement de l’image du père vers celle du fils. Et l’on ne peut oublier l’amour fou de Tristan et Yseult, quelle que soit sa cause première, histoire universelle incontestablement d’origine celtique, qui pose, entre autres, les problèmes des rapports conflictuels entre l’amour et la société. Mais tout cela ne débouche finalement que sur une incompréhension totale du phénomène amoureux, car, comme on le répète si souvent, « le cœur a ses raisons que la Raison ne connaît pas ».
Cependant, ces considérations pessimistes ne dispensent nullement d’examiner à la loupe comment ont été vécus l’amour et la sexualité dans les différentes civilisations qui se sont succédées dans l’histoire du monde. À force d’agiter les problèmes qui se posent à ce propos, peut-être arrivera-t-on un jour à déterminer ce qui pousse l’ existant humain à copuler, non pas sauvagement, brutalement, mais selon la sensibilité de chacun et selon les circonstances extérieures dans lesquelles se manifestent ces pulsions innées. Depuis fort longtemps, on l’a fait, notamment pour le domaine grec, pour le domaine des Latins, pour celui des peuples dits « primitifs », pour le domaine musulman, pour celui de l’Inde et de la Chine, et bien sûr dans le cadre encore contemporain de la tradition judéo-chrétienne. Mais il semble qu’on n’ait jamais vraiment plongé dans les mystérieuses brumes de l’univers des peuples celtes.
Il paraît en effet aberrant d’ignorer, ou de faire semblant d’ignorer, l’apport fondamental de la tradition celtique à la formation de la société européenne occidentale telle qu’elle se présente de nos jours. À une certaine époque de l’histoire, les peuples celtes ont dominé les deux tiers du continent européen et ils y ont laissé des traces profondes que ne sont pas venus détruire les ajouts grecs, latins et germaniques, puis la submersion de ces zones géographiques par l’idéologie judéo-chrétienne. Tout est lié d’une façon ou d’une autre, et les diverses civilisations sont toujours le résultat d’une synthèse, ce qui en fait non seulement l’originalité, mais la richesse fondamentale.
Mais avant d’entreprendre toute recherche sur l’amour et la sexualité chez les Celtes, il convient de ne pas oublier que la civilisation dite celtique s’étend sur une dizaine de siècles, allant de la période de Hallstatt, de 500 avant notre ère à l’an 500 de l’ère chrétienne, avec des prolongements plus qu’évidents dans certaines régions, surtout l’Irlande jusqu’à la fin du Moyen Âge. Cette permanence, pour ne pas dire « persistance » d’un « état d’esprit » celtique pendant des périodes troublées de l’histoire de l’humanité est un élément dont il faut tenir compte. Le christianisme en a été imprégné lui-même, et la société occidentale tout entière ne serait pas ce qu’elle est sans cet apport fondamental, opérant une synthèse harmonieuse entre les civilisations méditerranéennes et celles qui sont classées comme « barbares » ou « nordiques ».
Comment les peuples celtes, Gaulois, Bretons, Irlandais, Galates et autres, ont-ils vécu la sexualité des membres de leurs communautés et comment ont-ils tenté de résoudre l’insoluble problème de l’amour ? Comment ont-ils considéré le sexe et le sacré, car la sexualité est toujours reliée, qu’on le veuille ou non, à la notion de « sacré », même si elle est considérée comme maudite ou « diabolique ». Comme l’affirme Michel Cazenave, dans toutes les sociétés, on se heurte à « un anathème répété qui considère notre corps comme la prison de notre âme, et la puissance sexuelle comme le signe et la marque de
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