Amours Celtes sexe et magie
pas encore reçu le consolamentum , n’étaient pas parvenus à un état de pureté absolue : alors, peu importait qu’ils se livrent aux « turpitudes » de la chair pourvu qu’ils ne prolongent pas l’espèce, d’où l’indifférence qu’ils manifestaient envers les pratiques sexuelles les plus aberrantes, la sodomie bien sûr, mais aussi l’adultère, l’inceste, l’homosexualité, la masturbation et même la zoophilie. Toutes ces données historiques convergent vers une unique conclusion : la sexualité apparaît comme un phénomène complexe qui ne peut être analysé qu’avec la plus extrême prudence, et surtout en prenant grand soin de la replacer dans un contexte social bien délimité.
Car une société, quelle qu’elle soit, quelle que soit l’époque dans laquelle elle apparaît ou s’épanouit, s’empare toujours de la sexualité, pour la régir à sa guise, au gré des circonstances, pour l’encadrer, pour la canaliser, pour la finaliser même, et cela par tous les moyens, qui vont de la persuasion à la coercition et au châtiment le plus extrême, moyens qui sont autant civiques et moraux que religieux. Mais en réalité, dès qu’on gratte un peu la surface de cet encadrement sexuel, on découvre que la seule justification de celui-ci est constituée par des impératifs économiques.
Dans toutes les sociétés, passées, présentes et futures, c’est le mariage qui est le plus sûr moyen de canaliser la sexualité et de la diriger dans le but de satisfaire une idéologie, quelle qu’elle soit. Saint Paul, autrement dit le juif hellénisé, citoyen romain, Saül de Tarse, authentique fondateur de la religion chrétienne, l’a dit en termes fort précis, bien que fortement ambigus : « Il vaut mieux se marier que de brûler. » Qu’entendait-il par là au fond de sa conscience, nul n’en saura jamais rien, mais le moins qu’on puisse tirer de cette formule, c’est que le mariage n’est qu’un pis-aller. D’ailleurs, l’Église catholique romaine, qui se prétend seule détentrice du message de Jésus-Christ, ne s’y est jamais trompée : après de nombreuses tergiversations, elle a admis que l’on pouvait se marier devant elle , mais non par elle , car le prêtre, représentant officiel et dûment patenté de cette Église, n’est en définitive qu’un témoin du sacrement que se confèrent l’un à l’autre les nouveaux époux en acceptant et en proclamant solennellement leur union. Comme Ponce Pilate, dans d’autres circonstances beaucoup plus tragiques, l’Église se lave les mains dans cette affaire : elle assiste et elle constate. C’est tout.
Et elle a peut-être raison, car le mariage n’a rien voir avec la religion, rien à voir avec Dieu : il n’est qu’un contrat économique et social destiné à fonder une famille, c’est-à-dire assurer les moyens d’existence d’un groupe d’existants unis par une idéologie commune et perpétuer ce groupe dans les meilleures conditions possibles. Et cela ne peut se faire que dans un cadre bien établi par des lois et surtout bien surveillé par ce qu’on appelle une morale, ou encore une éthique . Certes, sur un plan psychologique, la famille est le milieu idéal pour l’épanouissement des enfants, soutenus par le père et la mère, couple idéal reconstituant ainsi dans le quotidien le mythe de l’androgynat primitif ; c’est le lieu où tout est possible, entièrement tourné vers le futur, où se forgent les racines d’une société en mouvement qui aspire à accéder au nec plus ultra . La famille, établie par le mariage, est la cellule mère de toute société, et cela sans distinction statutaire. Que le mariage soit monogame, polygame, polyandre ou même collectif, peu importe, il constitue la base même de toute organisation sociale. C’est donc le plus sûr moyen d’enfermer la sexualité dans un cadre qui en limite fatalement la portée, et surtout d’en disposer selon les circonstances.
C’est ce qu’a bien mis en évidence un philosophe très influencé par la psychanalyse, Herbert Marcuse, surtout dans son ouvrage intitulé en français L’Homme unidimensionnel , lorsqu’il insiste sur le « déplacement du principe de plaisir ». Son raisonnement est très simple et très convaincant : étant donné que l’énergie sexuelle, donc vitale, qui n’est pas utilisée au profit de la société est une perte pour celle-ci, la société la canalise, la fait
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