Amours Celtes sexe et magie
des nomades, errant avec leurs troupeaux pour découvrir des pâturages favorables. Ces sociétés de type pastoral ne connaissaient donc pas de frontières stables et rigoureuses, chaque tuath se fixant, même provisoirement, sur une portion de territoire qu’elle pouvait ensuite abandonner selon les circonstances. Évidemment, cela provoquait nombre de frictions avec les tuatha voisines, et constituait une cause de guerres inexpiables dont les récits épiques irlandais rendent abondamment compte.
De plus, à la différence de la société romaine fondée sur la possession de la terre par un ou plusieurs titulaires, la société celtique, surtout en Irlande, repose sur la possession commune de cette terre, ce qui est l’indice d’une organisation entièrement tournée vers l’élevage des troupeaux et justifie amplement le contrat féodal type qu’on y rencontre, sous forme de contrat de cheptel. Comme la terre est une propriété commune, le roi, en tant que magistrat élu par la communauté, et donc chargé de la répartition des richesses, peut autoriser un membre quelconque de la tuath à occuper une portion de territoire pour y établir sa demeure et faire fructifier ce territoire en vue du bien commun. Mais, ce faisant, le roi celte n’agit pas comme un suzerain féodal : il n’impose aucune redevance, aucun service particulier sinon celui de servir les intérêts de la communauté. Mais le roi ne concède pas un fief à proprement parler à son vassal : il en fait seulement un locataire privilégié.
Certains de ces vassaux ont cependant des obligations particulières. C’est ainsi que l’ hospitalier est un véritable fonctionnaire, choisi par le roi, dont la mission est de recevoir, de nourrir – et d’abreuver ! – les membres de la tuath , ainsi que les étrangers de marque, au nom et à la place du roi, c’est-à-dire en fait de la communauté tout entière. L’ hospitalier , pour mener à bien sa mission, reçoit une grande surface, évaluée à quelque huit cents hectares, de nombreux troupeaux et des serviteurs. Sa place est très élevée dans la hiérarchie de la tuath , car il vient immédiatement après le roi. Au pays de Galles, un personnage est à peu près équivalent de cet hospitalier , le penteulu , littéralement le « chef de famille » ( teulu étant synonyme de tuath ), qui a exactement, selon les lois de Hywel Dda (3) , le tiers de la valeur du roi et reçoit le tiers du butin de guerre.
Mais la plupart du temps, ce contrat féodal d’un type particulier concerne l’entretien du bétail. Le preneur reçoit du bailleur une ou plusieurs têtes de bétail et contracte ainsi des obligations envers le bailleur, obligations qu’un contrat passé devant le druide (ou le prêtre à l’époque chrétienne), c’est-à-dire devant la divinité, stipule avec précision. En effet, la plupart des contrats se faisaient oralement par serment solennel dont le druide ou le prêtre était le témoin. Ainsi ces contrats étaient garantis par les puissances divines quelles qu’elles soient, et ceux qui n’en exécutaient pas les clauses avec exactitude étaient voués à la vengeance divine.
Tous ceux qui recevaient du bétail étaient donc ipso facto englobés dans une hiérarchie sociale, à des degrés divers, suivant l’importance de chacun. Dans la population, il y avait deux classes distinctes : les serfs et les hommes libres. Les serfs n’avaient rien de plus que ceux du continent aux mêmes époques. Quant aux hommes libres, ils allaient du roi au simple petit paysan ou artisan. Serfs et hommes libres, en cas de contrat de cheptel, constituaient ce qu’on a appelé d’un terme gaulois utilisé par César, des ambactoi , terme dont la signification est « serviteurs », et que, pour plus de compréhension, il est préférable d’appeler des « vassaux », du mot gaulois vassos , « serviteur » (gallois gwas , breton gwaz ), dont le sens est devenu actuellement « valet », et plus largement « homme ».
Ce contrat de cheptel, qui s’est maintenu très tard en Irlande, explique également pourquoi les femmes, qui jouissaient d’une grande autonomie et pouvaient posséder des biens, n’en étaient pas exclues. Il semble que ce type de contrat, qui n’existait plus en Gaule au temps de la conquête – les écrivains de l’Antiquité classique étant muets sur ce point –, se soit maintenu assez tard au pays de Galles et en Bretagne
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