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mentalité elle-même. Il faut dire que les sociétés celtiques (il vaut mieux employer ici le pluriel, vu l’éparpillement des peuples dits celtes) sont toutes issues de structures pastorales archaïques et en conservent beaucoup de caractéristiques. Les divers codes et recueils de lois galloises et irlandaises, remontant pour la plupart au Haut Moyen Âge, permettent d’affirmer cette originalité par rapport aux institutions des pays de droit romain (2) . Le champ d’investigation est particulièrement étendu, mais il ne suscite aucune réserve concernant l’authenticité de ces lois et coutumes.
Il faut avant tout séparer la Gaule des autres pays celtiques, et cela pour deux raisons : d’abord parce que les Gaulois ont été romanisés très tôt, même avant la conquête définitive de 52, et que leurs institutions, dites gallo-romaines, appartiennent davantage au droit romain qu’à une tradition ancestrale ; ensuite parce que l’état agricole de la Gaule – devenue très vite un grenier à blé pour l’Empire – avait fait évoluer considérablement le droit gaulois primitif, le rapprochant du type romain fondé essentiellement sur la possession individuelle de la terre. D’autre part, nous connaissons très mal ce droit gaulois primitif, les rares remarques de César, pourtant bien informé, de Dion Cassius, de Strabon et de Diodore de Sicile n’étant pas suffisantes pour pouvoir tracer un panorama complet de cette société gauloise indépendante. Si l’on veut remonter aux sources, il est indispensable de prendre comme point de départ les recueils de lois irlandaises et galloises qui sont demeurées plus à l’écart de l’Empire romain et qui traduisent beaucoup mieux l’état d’esprit celtique originel.
La base de la société celtique est évidemment, comme chez beaucoup de peuples, la famille, mais au sens le plus large du terme. On y reconnaît la gens indo-européenne, comparable à celle qui a cours chez les Grecs et les Latins. Cette famille, chez les Bretons, comprend tous les parents jusqu’au neuvième degré, et elle est placée sous l’autorité incontestable d’un « chef », dont le rôle est l’équivalent du paterfamilias romain. Cette famille s’appelle la fine chez les anciens Gaëls. Et lorsque cette famille est complète, en Irlande, elle prend le nom de deirbhfine , comprenant quatre générations, du père, le cenn fine (« tête de famille ») à l’arrière neveu. Au-delà, il y a essaimage et constitution d’une autre famille, avec un partage obligatoire des biens autrefois communs.
Plusieurs fine se groupent dans une tuath , terme gaélique difficile à traduire, intermédiaire entre « peuple » et « tribu », qui est la cellule politique de base de l’ancienne Irlande. La tuath a ceci de particulier qu’elle se suffit à elle-même, possédant sa hiérarchie sociale bien déterminée, allant du chef, ou roi ( ri ), aux esclaves, ses biens communautaires et même ses dieux. Dans les récits épiques, les héros font souvent le serment « par le dieu que jure ma tribu », et l’on connaît le nom générique, ou plutôt le surnom, du dieu protecteur du groupe, Dagda (Dieu bon) ou Ollathair (père de tous), qui correspond d’ailleurs au gaulois Teutatès ou Toutatis , littéralement « père de la tribu ».
La principale conséquence de cette autarcie de la tuath sur l’histoire des peuples celtes est assez remarquable, car elle explique l’impossibilité quasi permanente d’unification politique qui caractérise les Gaulois, les Bretons et les Irlandais, sans parler des Écossais, traditionnellement attachés à un « clan ». Les Celtes, à n’importe quelle époque, n’ont jamais senti le besoin de se regrouper en complexes politiques étendus, puisque la tuath constituait un tout et réglait en son sein tous les conflits qui pouvaient surgir. Les Celtes n’ont jamais eu la notion d’ État telle qu’on peut l’avoir actuellement. Ils ne l’avaient pas non plus face aux Romains pour qui cette notion d’État représentait la base absolue de la vie politique. Bien entendu, sur le plan pratique, ce mépris des Celtes pour toute unification les a conduit à des catastrophes dont la plus grave a été leur disparition du jeu politique européen.
Cette mentalité très spéciale est le souvenir des temps anciens où les peuples celtes, très probablement originaires des steppes du nord de la mer Noire, étaient
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