Amours, Délices Et Orgues
sans broncher leurs maîtres, comme font les larbins anglais derrière les carrosses des vieux lords.
Bientôt, nous avions fait la connaissance de toute la famille.
Avec sa coutumière bonhomie, Sarcey nous présenta, Brunetière et moi, sous le jour le plus flatteur qu’il put trouver.
À son tour, la plus jeune des jeunes filles se présenta elle-même, puis nous présenta sa famille : son papa, sa maman, sa sœur et son petit frère.
Des Australiens.
Ces messieurs et dames rirent beaucoup de notre effarement et nous enseignèrent que, dans leur pays, le kangoucycle est aussi courait que, chez nous, la simple bicyclette.
Le kangourou, animal intelligent, docile et vigoureux, rend actuellement, aux Australiens, tous les services que les Esquimaux exigent du renne. Et même mieux, car, en matière d’industrie, l’Esquimau ne va pas à la cheville de l’Australien.
Le kangourou – et les personnes qui se rappellent les kangourous boxeurs du Nouveau-Cirque et des Folies-Bergère ne me contrediront pas – le kangourou est doué d’un avant-train à la fois souple et robuste (sans préjudice, d’ailleurs, pour la peu commune énergie de ses membres postérieurs).
Sans s’arrêter aux vagues sentimentaleuries qui ridiculisent notre vieille Europe, les Australiens ont depuis longtemps utilisé les vertus du kangourou.
L’une des dernières applications, c’est précisément ce kangoucycle dont je parlais tout à l’heure.
Confortablement installé sur une petite plate-forme en arrière de la deuxième roue, le kangourou actionne de ses pattes de devant une manivelle qui suffirait, au besoin, à la marche du tandem.
Je n’insiste pas sur l’inappréciable auxiliaire que représente mécaniquement (je pourrais dire bécaniquement ) ce vigoureux animal, mais je tiens surtout à faire remarquer l’avantage de la parfaite stabilité, en route et au repos, que procure l’emploi de la longue et solide queue du kangourou.
Plus de pelles, plus de dérapages, plus besoin de descendre à chaque arrêt.
Le kangourou présente, en outre, le mérite de veiller sur la machine en votre absence, ainsi que ferait le chien le plus fidèle.
Une grande maison de banque anglaise va prochainement lancer sur la place une grosse émission en vue de généraliser sur le Continent l’emploi du kangoucyclisme .
Nous reviendrons sur cette affaire qui nous paraît, d’ores et déjà, de tout premier ordre.
FARCE LÉGITIME
Partagez-vous mon opinion ? M’est avis qu’on ne doit faire aux bons serviteurs nulle injure, même légère.
Contre un peu d’or, ces gens nous consacrent tout leur temps ; nous sommes quittes, sans avoir à jeter dans la balance l’appoint des méprisants vocables et des gestes hautains.
D’ailleurs, tenez pour certain que les domestiques nous conservent toujours un chien de leur chienne, et qu’ils savent à miracle, quand il y a lieu, nous retrouver au tournant.
Écoutez plutôt l’excellente plaisanterie qu’une cuisinière des mes amies (j’entends ainsi que cette cuisinière est une de mes amies et non point qu’elle est la cuisinière d’une de mes amies), qu’une cuisinière de mes amies, dis-je, servit un jour à des patrons injurieux et stupides.
Cette cuisinière, qui s’appelait Clémence, était une brave cuisinière, sachant son métier sur le bout du doigt et, malgré sa nature fougueuse et tendre, parfaitement correcte en son service.
Ses patrons se composaient de commerçants bassement nés, louchement enrichis et d’autant plus insolents.
La femelle, surtout, à gifler.
– Clémence ! ne cessait-elle de piailler, Clémence, votre veau marengo est complètement raté.
Muette, Clémence se contentait de hausser les épaules.
– Clémence ! insistait la chipie, votre mouton empoisonne le suif.
Même jeu de la part de Clémence.
Un jour, ce fut à la salade que l’exécrable vieille s’en prit.
– Qu’est-ce que c’est que cette salade ? C’est avec de l’huile à quinquet que vous l’avez accommodée ?
Et à partir de ce moment, Madame n’arrêta pas de hurler après la salade de la pauvre Clémence.
Elle acheta son vinaigre elle-même et son huile pareillement, le vinaigre dans la véritable maison Orléans, et l’huile chez Olive en personne.
La salade n’obtint pas plus de succès.
La faute en fut alors aux proportions : il y avait trop d’huile et pas assez de vinaigre.
Ou réciproquement.
La vieille, enfin, décida
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