Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Amours, Délices Et Orgues

Amours, Délices Et Orgues

Titel: Amours, Délices Et Orgues
Autoren: Alphonse Allais
Vom Netzwerk:
charcutier que c’était, ce charcutier-là !
    Tous ces mille avantages ne l’empêchaient pas d’être un terriblement gros individu.
    Vous avez sans doute, bons lecteurs, au cours de votre longue carrière, rencontré d’énormes charcutiers ; eh bien ! prenez les deux plus conséquents , agglomérez-les et vous obtiendrez à peine un type aussi volumineux que mon charcutier, à moi.
    Tout alla bien jusqu’au jour où notre homme, se mêlant d’engraisser encore, ne put plus bouger et contracta, de cette immobilité, une grave maladie.
    Des médecins consultés l’engagèrent à se faire enlever son excédent de graisse.
    Les bras qu’il jeta au ciel à cette invite, vous les voyez d’ici !
    Mais non, ça n’était pas si dangereux, et, grâce aux ressources dont la chirurgie moderne dispose, affirmèrent les morticoles, on vous enlève à un homme trente ou quarante livres de graisse avec l’aisance que met le perruquier à vous rafraîchir la barbe.
    Le pauvre charcutier demanda à réfléchir.
    – Un de ces jours, murmurait-il, un de ces jours.
    Et chaque fois que son médecin revenait à la charge, l’homme gras répétait :
    – Je me déciderai bientôt.
    Un beau soir, il prit la résolution virile, et fit convoquer d’habiles chirurgiens munis de fins aciers et de chloroforme.
    L’opération s’accomplit à souhait.
    On débarrassa le patient d’une partie de son adipeux fardeau, sans même qu’il se réveillât.
    Huit jours après, notre homme descendait de sa chambre, n’ayant pas connu la fièvre une seule minute.
    Par tout le quartier, ce fut un émerveillement.
    Je tins à le féliciter :
    – Tous mes compliments, mon cher, de votre sveltesse ! Un roseau, on dirait ! Mais dites-moi, pourquoi ne vous être pas décidé plus tôt ?
    Le charcutier eut un clignement de ses petits yeux malins et répondit :
    – J’attendais la hausse des suifs.
     
    FÂCHEUSE CONFUSION
    – Votre ami Othon ? m’interloqua la duchesse, votre ami Othon est un pur goujat !
    – Othon ? Un pur goujat ? Othon ?
    – Et puis, si vous voulez, mon ami, parlons d’autre chose !… Le seul souvenir de cet être abject me soulève le cœur.
    … Je regrette bien, messieurs et dames, que vous ne connaissiez pas mon ami Othon (plus répandu à Paris sous l’étrange dénomination de Noyau de Poissy ). Votre stupeur, à l’entendre ainsi traiter, égalerait la mienne.
    Othon est un homme qui n’allumerait pas une cigarette devant une station de fiacres sans demander aux cochers si la fumée ne les incommode pas.
    Othon est l’homme pour lequel une femme est toujours une femme .
    Othon… D’ailleurs, je vous l’amènerai un de ces jours, vous pourrez juger par vous-mêmes. Et c’est ce si accompli galant homme que la duchesse m’affirmait tant pignouf !
    Le ton formel de la grande dame m’avait clos le bec, à l’émeri, et je n’insistai point.
    La conversation roula dès lors sur d’autres tapis. Mais, tout de même, je voulus savoir.
    Le lendemain, je rencontrai mon vieux camarade Othon dans le magasin d’un marchand de bibelots chaldéens chez lequel il se fournit de préférence.
    En deux mots, je le mis au courant de l’atroce situation.
    Il m’écoutait, l’œil en l’air, la main lissant sa copieuse barbe blonde :
    – Oui, cher, je sais…
    – Que s’est-il donc passé entre la grande dame et toi ?
    – Rien du tout, mais si effroyable !
    Je dus faire appel à ma plus sombre énergie pour lui tirer une pâle explique. Ça n’était rien, en effet, mais il n’en fallait pas davantage.
    … Cet été, Othon avait reçu une invitation à déjeuner chez la duchesse, en sa villa.
    Avant de se mettre à table, on causait du pays, des sites, des excursions.
    Othon, qui connaît la région comme pas un, donnait des tuyaux.
    Superbe, le pays ! Mais pas drôles, les habitants ! Et hostiles aux étrangers ? Et taquins.
    – Dans les premiers temps, contait-il, la municipalité me chercha mille noises ; je répondis au maire d’alors …
    Juste au moment où Othon prononçait ces mots, la duchesse entrait dans le salon. Quand notre brave ami lui offrit son bras, elle prit celui d’un autre, d’un ton sec.
    À table, la jeune et belle voisine d’Othon s’informa.
    – Qu’est-ce que c’est que ce poisson ?
    – Du sansonnet, madame.
    – Du sansonnet ? Qu’est-ce que c’est que le sansonnet ?
    Précisément, un silence se fit à ce moment, de sorte
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher