Amours, Délices Et Orgues
baronne, expliquez-moi pourquoi vous me donnez 1,000 francs de ce pré, s’il n’en vaut que 500 ?
– Pour en finir plus vite.
– Eh ben ! alors, je vas vous donner un moyen d’en finir encore plus vite. Payez-moi mon pré 10,000 francs et il est à vous.
– 10,000 francs ! Mais vous êtes fou, mon pauvre bonhomme !
– Alors, madame la baronne, n’en parlons plus ! Gardez votre argent et moi je garde ma terre.
La baronne de Malenpis sortit, furieuse, en grommelant : « Vieille canaille, va ! »
… Le pré en question avait été payé, dans le temps, 300 francs par le père Furet à l’ancien propriétaire du château qui, à peu près ruiné, commençait à vendre son domaine par morceaux.
La situation indiscrète de ce lopin dans le parc, en bordure sur l’avenue de tilleuls qui mène à la maison, était bien faite pour gêner la nouvelle châtelaine ; mais payer 10,000 fr. ce misérable carré de terre, folie furieuse !
À quelques jours de là, le père Furet, dans une conversation avec le cocher de la baronne, apprit que la vieille dame n’allait pas aux offices du village, par horreur de traverser le cimetière qui entoure l’église.
La vue d’un tombeau la faisait se pâmer. Un tombeau, que dis-je ? Une simple croix noire avec un CI-GÎT dessus.
À cette révélation, le père Furet rentra chez lui tout songeur.
Il dormit peu cette nuit-là et, dès le matin, se mit à la besogne.
Le lendemain, la vieille baronne de Malenpis accomplissait, dans le parc, sa petite promenade hygiénique ; mais elle ne parvint point jusqu’à la grille.
Du château, ses gens la virent jeter les bras en l’air ; on entendit de grands cris et on accourut.
– Quoi donc, madame la baronne, qu’y a-t-il ?
– Là… désignait la pauvre vieille blême bonne femme… là !
Et son doigt tremblant indiquait le pré du père Furet, d’où émergeaient une vingtaine de belles croix funéraires toutes noires avec, dessus, des larmes et des inscriptions peintes en blanc.
Le soir même, le père Furet était invité à passer chez le notaire, et à y toucher 10,000 francs, prix convenu de son terrain.
Et cette vieille canaille de père Furet accepta, mais en exigeant qu’on ajoutât aux 10,000 francs quatre-vingt-sept francs cinquante, montant de ses débours pour les croix de son petit cimetière.
FRAUDE
Par une claire après-midi du mois de juillet, un homme jeune encore et d’apparence robuste sautait d’un trois-mâts finlandais sur le quai d’un port normand.
Il tenait sous son bras, et enveloppé dans un journal, un flacon de la capacité d’environ un litre.
Un vigilant douanier avait vu le manège de l’homme jeune encore.
Cent mètres plus loin, il rattrapait ce dernier sur un pont, lui mettait la main sur l’épaule et, de l’air satisfait qu’arborent les gabelous en cette circonstance, ricanait :
– Ah ! ah ! mon gaillard, je vous y prends !
– Vous m’y prenez !… À quoi m’y prenez-vous ?
– À débarquer de la marchandise sans déclaration.
– Quelle marchandise ?
– Là, cette bouteille que vous avez sous le bras.
– Ah !… Cette bouteille ?
– Oui, cette bouteille.
L’homme eut alors comme la fulguration d’une idée subite, à la fois cocasse et ingénieuse.
Le gabelou reprit :
– Qu’y a-t-il dans cette bouteille ?
– Je n’en sais rien.
– Ah ! vous n’en savez rien ? Eh bien, moi je vais vous l’apprendre dans cinq minutes. Suivez-moi au poste.
– C’est que… c’est que je n’ai pas beaucoup de temps en ce moment.
Ce fut un grand éclat de rire pour le modeste préposé des douanes… Pas beaucoup de temps ! On allait lui en f… du temps !
Au poste, on débarrassa la bouteille du papier qui l’enveloppait.
C’était un flacon à large ouverture, en verre presque noir, un de ces flacons dont on se sert à bord des bateaux pour enfermer certaines conserves.
Débouchée, la fiole exhala par tout le poste une délicieuse odeur de tafia.
Le gabelou triomphait :
– Savez-vous, maintenant, ce qu’il y a, gros malin, dans votre bouteille ?
– On dirait du rhum, répondit cyniquement le fraudeur.
– Et du fameux ! appuya l’humble fonctionnaire.
Un verre apparut comme par miracle et se remplit en faveur du brigadier qui claqua sa langue contre son palais, en connaisseur.
Le simple douanier goûta, à son tour, du fautif liquide.
Et puis aussi le lieutenant qui
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