Amy, ma fille

toujours occupée de l’aspect visuel de ses concerts, elle choisissait les vêtements du groupe, la production, les lumières, tout. Elle a toujours eu une idée bien précise du look de ses choristes. Pour cette tournée, elle avait demandé à Raye de louer au département costume de la BBC des tenues tendance fifties pour eux. Elle avait surnommé le trio « Nights Before » et, lors de ses derniers concerts, leur avait fait porter des costumes pastel.
    Voilà qu’elle voulait tout annuler. Je n’ai pas compris pourquoi et elle a été incapable de me l’expliquer. Tout ce qu’elle me répétait, c’était qu’elle ne voulait plus le faire. Par trac ou par peur de replonger, je n’ai pas réussi à le savoir.
    Le lendemain, elle est revenue sur sa décision. Elle a accepté de maintenir cette tournée, à la réflexion. J’ai eu peur qu’elle se ravise ou recommence à boire, mais elle a fini par monter dans l’avion. Raye a décidé de me tenir au courant heure par heure si bien que j’ai commencé à recevoir une quantité de messages et de textos : « Elle est dans sa chambre d’hôtel », « Elle est dans la voiture », « Elle est dans la salle de concert », « Elle est sur scène ».
    À deux heures quarante-cinq du matin, il m’a appelé : le concert avait été catastrophique.
    Avant de quitter l’hôtel pour gagner la salle de concert, Amy, qui se sentait nerveuse, a demandé un verre de vin pour se calmer. Raye a dit oui. Une fois arrivée dans la salle, elle est montée sur scène. Elle était complètement ivre. Ni Raye ni Tyler, qui ne l’avaient pas lâché d’une semelle, n’ont su comment elle s’était débrouillée pour se procurer de l’alcool.
    Toujours est-il que ce soir-là, Amy est montée complètement ivre sur la scène de Belgrade. Sa prestation a été désastreuse et une grande partie du public l’a sifflée. Elle ne se souvenait pas du nom de la ville où elle se trouvait, ni des paroles de ses chansons, ni même du nom de ses musiciens. Raye a essayé de la faire descendre de scène, en vain. Elle y est restée une heure et demie alors que ses concerts duraient en temps normal une heure quinze. Ça a été sa plus mauvaise prestation.
    Ils ont quitté la salle pour regagner directement l’aéroport. Elle a réclamé à boire pendant tout le trajet, mais Raye n’a pas cédé. Dans l’avion, elle lui a demandé si c’était le pire concert qu’elle ait jamais fait.
    — Sans aucun doute, a-t-il répondu. Aussi nul que Birmingham.
    Il lui a reproché d’avoir déçu tout le monde. Elle l’a mal pris et s’est défendue avant d’aller bouder au fond de l’avion.
    Le concert suivant avait lieu à Istanbul et en arrivant, elle a présenté ses excuses à ceux qui l’accompagnaient.
    — Ça suffit, a dit Raye. Tu ne peux pas travailler comme ça. C’est ridicule. Si tu n’as pas envie de faire de concerts, on n’en fait pas. Mais cette tournée, c’est une chance. Les gens viennent tout spécialement pour t’écouter et toi qu’est-ce que tu fais ? Tu gâches tout. C’est quoi, le problème ?
    Elle s’est contentée de hausser les épaules, comme à son habitude. Elle n’avait pas de réponse.
    Raye a annulé les dates suivantes.
    Je me suis demandé pourquoi elle ne pouvait pas nous donner d’explications. Est-ce qu’elle avait peur de décevoir tout le monde en avouant qu’arrêter de boire était plus difficile qu’elle l’avait cru ? Est-ce qu’elle voulait qu’on lui fiche la paix ? Elle savait bien, pourtant, qu’elle pouvait toujours compter sur moi.
    Personne ne l’avait forcée à faire ces concerts : Raye le lui avait répété je ne sais combien de fois. Elle adorait jouer avec son groupe et c’était elle qui avait insisté pour effectuer cette tournée. Quant à Raye, il avait cru que ça la remotiverait à écrire des morceaux. Elle disait souvent qu’elle s’ennuyait à chanter les mêmes vieilles chansons. « Écris-en de nouvelles », lui suggérions-nous alors.
    À mon avis, le problème était surtout qu’elle ne voulait plus chanter les morceaux de Back to Black , tout particulièrement « Wake Up Alone », « Unholy War » et « Back to Black ». Ils lui rappelaient Blake et une époque de sa vie qu’elle voulait oublier, on peut le comprendre. D’après Raye, ces chansons étaient trop liées à la drogue et c’est ce qui la poussait à boire.
    Je ne sais pas si c’était le cas ou