Amy, ma fille

non, toujours est-il que Raye avait veillé, avec Dale Davis, à intercaler entre les morceaux de Back to Black des reprises et des chansons de Frank . Ils ne voulaient pas créer un bloc de chansons qui lui rappelaient des mauvais souvenirs. Dale lui avait présenté la liste de chansons et, comme elle lui faisait entièrement confiance, elle avait accepté. Ce système semblait fonctionner et il n’était donc pas responsable de l’état d’Amy à Belgrade.
    Tout allait bien avec Reg, donc la raison n’était pas à chercher de ce côté-là non plus. Quant à Blake, c’était du passé. Alors, qu’est-ce qui avait causé cette rechute ? Nous avons appris plus tard qu’elle avait souffert du pire trac qu’elle ait jamais connu.
    À ce moment-là, j’ai perdu espoir et pensé qu’elle avait replongé pour de bon. Nous ne comprenions rien à ce qui se passait. « Ma fille a besoin d’aide et nous sommes tous impuissants », ai-je écrit.

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    « Fais-moi un câlin, papa »
    Les jours qui ont suivi, j’ai reçu beaucoup de messages via Twitter, dans lesquels des fans m’accusaient d’être responsable de ce qui s’était passé à Belgrade : « Comment avez-vous pu la laisser faire ça ? », « Vous auriez dû le prévoir. »
    Personne ne savait ce qu’elle avait traversé. Personne ne savait qu’elle n’avait pas bu une seule goutte pendant des jours avant son concert de Belgrade. Ni à quel point la musique lui faisait du bien. Nombreux sont ceux qui m’ont accusé, ou qui ont accusé le manager d’Amy, mais je savais que Raye n’y était pour rien. Amy avait tenu à faire cette tournée, ces accusations étaient injustes.
    Le 20 juin, deux jours après le concert, Reg a pris l’avion pour rejoindre Amy à Istanbul. La présence de Reg lui a permis d’envisager l’avenir de façon plus lucide : elle a décidé de ne pas remonter sur scène tant qu’elle n’aurait pas réglé son problème de trac et de se consacrer à son prochain album. Pour Back to Black , elle avait réussi à créer des morceaux qui correspondaient exactement à ce qu’elle recherchait. Je ne crois pas qu’elle se soit sentie aussi inspirée pour ce troisième disque.
    Le 22 juin, elle est rentrée chez elle et je suis passé la voir. Je voulais qu’on parle de Belgrade, mais j’ai préféré attendre qu’elle aborde elle-même le sujet. Elle m’a avoué à quel point elle s’en était voulu, une fois dessaoulée. Elle n’aimait pas ce que l’alcoolisme lui faisait subir à elle, à sa famille et à Reg. Elle regrettait terriblement d’avoir déçu tout le monde. Et puis elle m’a parlé de son trac. Avant le concert, elle s’était sentie dépassée, incapable d’assumer ses responsabilités. Elle s’était dit qu’un verre ou deux allaient l’aider, mais comme ça n’avait pas marché, elle en avait bu davantage.
    — Pendant que je buvais, je me répétais à quel point je déteste ça. J’ai la volonté d’arrêter, papa, vraiment. Je ne veux pas revivre toutes ces conneries. À chaque fois il arrive quelque chose. Tu me crois, hein ?
    — Bien sûr, mais je n’y peux rien. L’alcool et les tentations, il y en aura toujours. Il faut que tu trouves en toi la force de résister.
    Tout ce que je pouvais faire, c’était l’encourager. Je savais qu’elle détestait ce qui se passait, mais j’ignorais combien de temps allait s’écouler avant qu’elle remette ça.
    Cette journée a été un peu bizarre. Nous avons discuté pendant une heure ou deux ; elle a beaucoup parlé de ma mère, comme cela lui arrivait souvent. Puis, à ma grande surprise, elle m’a proposé de regarder des vidéos de ses concerts sur YouTube.
    — Tu me trouves douée, papa ? m’a-t-elle demandé après en avoir regardé quelques-unes.
    — Bien sûr, ma chérie, tu le sais.
    Et puis elle m’a demandé :
    — Papa, tu me trouves belle ?
    — Je pense que tu es la plus belle fille du monde, mais je ne suis pas objectif. Je suis ton père.
    Elle n’était pas intéressée par sa propre image, elle cherchait plutôt à analyser objectivement sa prestation, comme si elle prenait conscience du talent unique qu’elle possédait.
    — Fais-moi, un câlin, papa.
    Nous sommes restés environ une heure serrés l’un contre l’autre. C’était un moment très beau, rare, auquel je n’ai pourtant pas attaché plus d’importance que ça. On pourrait penser qu’elle avait eu une sorte de