Amy, ma fille

oreilles. Ta fille a vraiment une voix puissante.
    L’audace d’Amy ne se limitait pas aux trajets en voiture. Un jour, elle s’est mise à emprunter la moto d’Alex, ce qui me faisait peur car elle n’était pas très prudente. Elle n’avait aucun sens de la conduite et cherchait simplement à aller le plus vite possible. Elle adorait la vitesse et elle s’est cassé la figure une ou deux fois. Quand je l’emmenais faire du patin à roulettes ou du patin à glace, c’était la même chose ; elle adorait ça. Le jour où son premier album est sorti, elle m’a avoué qu’elle rêvait d’ouvrir une chaîne de restaurants de burgers avec des serveuses en patins à roulettes.
    Elle était tête brûlée, mais je la laissais faire. Je ne pouvais pas m’en empêcher. Je sais que j’ai trop gâté mes enfants après mon divorce, mais ils grandissaient et leurs besoins évoluaient.
    J’emmenais Amy faire du shopping maintenant qu’elle était presque adolescente et qu’elle fréquentait une nouvelle école.
    — Regarde papa, m’a-t-elle dit un jour en sortant d’une cabine vêtue d’un jean léopard tout neuf. Il est super, tu crois qu’il me va ?
    *
    Chaque fois qu’elle venait à la maison, elle emmenait un cahier dans lequel elle griffonnait. En pleine conversation, elle disait : « Oh attends, une seconde » et elle disparaissait pour noter quelque chose qui lui était venu à l’esprit. Ce qu’elle écrivait ressemblait à des fragments de poèmes qu’elle mettrait plus tard en chanson en les combinant avec d’autres fragments.
    Grâce aux cours de maths que lui avait donnés sa mère, Amy était bonne dans cette matière. Janis lui posait des problèmes compliqués qu’Amy se plaisait à résoudre. Elle pouvait y passer des heures et des heures, juste pour le plaisir. Elle était excellente au Sudoku et pouvait remplir une grille en un clin d’œil.
    Malheureusement, à l’école, c’était différent. Nous recevions régulièrement des mots de ses professeurs déplorant l’attitude d’Amy ou son manque d’intérêt. De toute évidence, si Amy se montrait dissipée, c’est parce qu’elle s’ennuyait. L’enseignement traditionnel n’était pas fait pour elle. (Enfant, j’étais pareil. Je séchais toujours les cours, mais au lieu de traîner dans la rue comme mes copains, j’allais lire à la bibliothèque.) Amy avait une grande soif d’apprendre mais elle détestait l’école. Elle ne voulait pas y aller. Et le matin, elle ne voulait pas se lever. Ou parfois, elle revenait à midi et refusait d’y retourner.
    Alors qu’elle avait toujours bien dormi, arrivée à l’âge de onze ans, elle a commencé à refuser d’aller au lit. Elle restait éveillée toute la nuit pour lire, faire des puzzles, regarder la télévision, écouter de la musique. Alors forcément, le matin, c’était la guerre pour la tirer du lit.
    Janis en avait assez et m’appelait pour me dire : « Ta fille refuse de se lever. » Je devais faire la route depuis Chingford, où je vivais avec Jane, pour la tirer du lit.
    Avec le temps, Amy est devenue de plus en plus dissipée. Nous avons été convoqués à plusieurs reprises, Janis et moi, à cause de son comportement. Un jour, j’ai dû me retenir de rire quand le directeur de l’école nous a dit :
    — Mr. et Mrs. Winehouse, Amy a été envoyée dans mon bureau ce matin et avant même de la voir, j’ai su que c’était elle…
    J’ai évité le regard de Janis pour ne pas éclater de rire.
    — Comment je l’ai su ? Elle chantait « Fly me to the Moon » tellement fort que toute l’école pouvait en profiter.
    Je savais que ce n’était pas amusant, mais c’était tellement typique d’Amy. Plus tard, elle m’a expliqué qu’elle se chantait cette chanson en boucle pour se calmer quand elle savait que des ennuis l’attendaient.
    La seule chose qui lui plaisait à l’école, c’était les spectacles. Une année, elle a chanté au spectacle de l’école et ce n’était pas terrible. Je ne sais pas pourquoi, peut-être qu’une fois de plus, la tonalité ne lui convenait pas, mais j’étais déçu. L’année suivante, ça s’est passé différemment.
    — Papa, tu viendras avec Jane me voir à l’école ? Je vais encore chanter.
    Pour être honnête, mon estomac s’est serré quand je me suis rappelé le fiasco de l’année précédente, mais bien sûr, nous y sommes allés. Elle a chanté la chanson d’Alanis