Amy, ma fille
endroits chics, je leur donnais de l’argent de poche. Quand mon budget était plus serré, on allait au Chelsea Kitchen, sur King’s Road, où on pouvait manger pour deux livres. Des années plus tard, mes enfants m’ont avoué qu’ils préféraient aller là plutôt que dans les restaurants chics parce qu’ils savaient que ça coûtait moins cher.
Une chose n’a jamais changé : mon amour pour eux et leur amour pour moi.
Amy pensive. Ma carte d’anniversaire, en 1992.
2
L’entrée en scène
Partout où j’ai vécu, Amy et Alex ont eu leur chambre. Amy venait souvent passer le week-end avec moi, et j’essayais que ces moments soient uniques. Elle adorait les histoires de fantômes. Quand je vivais à Hatfield Heath, dans l’Essex, la maison était assez isolée, non loin du cimetière. Les soirs d’hiver, si on rentrait tard, je me garais près du cimetière, j’éteignais les phares de la voiture et je lui racontais une bonne histoire qui lui donnait la frousse. Peu après, elle s’est mise à inventer ses propres histoires et je devais faire semblant d’avoir peur.
Un jour, Amy a dû écrire une rédaction décrivant la vie de quelqu’un qui lui était cher. Elle a décidé d’écrire sur moi et m’a demandé de l’aide. Pour pimenter un peu le récit, j’ai inventé des anecdotes sur ma vie, qui étaient toutes complètement invraisemblables mais qu’Amy (qui était encore jeune) a crues. Je lui ai raconté que j’avais été la plus jeune personne à escalader l’Everest, que j’avais joué avec les Spurs et marqué le but de la victoire à la Final Cup de 1961 contre Leicester City, quand j’avais dix ans. Je lui ai dit que j’étais le premier au monde à avoir réalisé une greffe du cœur, avec mon assistant le docteur Christiaan Barnard. J’ai peut-être bien ajouté que j’avais été pilote de course et jockey par-dessus le marché.
Amy a pris des notes et écrit sa rédaction. Je m’attendais à ce qu’on la félicite sur son imagination et son humour, au lieu de quoi son institutrice m’a envoyé un mot disant : « Votre fille vit dans l’illusion et elle a besoin d’aide. » Peu avant sa mort, Amy s’est souvenue de cet épisode et des conséquences qu’il avait eues. Elle m’a aussi rappelé une autre histoire que je leur avais racontée, à Alex et elle, et qui m’était sortie de la mémoire. Je leur avais dit qu’à sept ans, alors que je jouais vers Tower Bridge, j’étais tombé dans la Tamise et j’avais failli me noyer. Je les ai même emmenés sur les lieux en ajoutant qu’à l’époque, on avait posé une plaque qui, depuis, avait été enlevée.
Pendant les vacances scolaires, il fallait occuper Amy, qui passait beaucoup de temps avec Jane et moi. Si j’avais une réunion, Jane l’emmenait déjeuner à l’extérieur et Amy commandait toujours la même chose : une salade de crevettes. La première fois que Jane l’a emmenée manger dehors, elle a demandé à Amy qui était encore petite :
— Tu veux du chocolat en dessert ?
— Non, je suis allergique aux produits laitiers, a-t-elle répondu fièrement.
Ça ne l’a pas empêchée d’engloutir des paquets de bonbons et de chewing-gums juste après. Elle a toujours été gourmande.
Jane faisait du bénévolat pour la radio de l’hôpital Whipps Cross, où elle animait sa propre émission. Amy allait souvent lui donner un coup de main. Elle était trop jeune pour accompagner Jane dans sa tournée des patients, mais elle sélectionnait les disques qui seraient passés au cours de l’émission. Un jour, Jane a interviewé Amy ; j’ai toujours cette interview quelque part. Au montage, Jane a coupé ses questions ce qui donne l’impression qu’Amy s’adresse directement aux auditeurs. Ça a été son premier enregistrement.
Il y a une chose qu’Amy et moi avons toujours partagée, même après que j’ai quitté le domicile conjugal, c’est la musique. Elle adorait la musique que ma propre mère m’avait appris à aimer quand j’étais jeune. Ma mère avait une passion pour le jazz et, avant de rencontrer mon père, elle était sortie avec Ronnie Scott, le grand jazzman. Lors d’un concert, en 1943, Ronnie lui a présenté le légendaire Glen Miller, qui a essayé de la draguer. Et pendant que ma mère tombait amoureuse de la musique de Glen Miller, Ronnie tombait amoureux d’elle. Quand elle a rompu, il a eu le cœur brisé. Il l’a suppliée de rester et l’a
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