Amy, ma fille

mais c’était la bonne. Finalement, la collaboration d’Amy avec Raye Cosbert et Metropolis s’est révélée, à mes yeux, l’une des plus fructueuses de l’industrie musicale.
    Très vite, Raye a organisé des réunions avec Lucian Grainge d’Universal et Guy Moot d’EMI. Son énergie était exactement ce qu’il fallait à la carrière d’Amy : comme un bon coup de pied aux fesses. Guy Moot voulait qu’elle collabore avec un jeune homme bourré de talent, Mark Ronson, un producteur/arrangeur/parolier/DJ. En mars 2006, quelques mois après avoir signé chez Metropolis, Raye l’a encouragée à rencontrer Mark à New York afin de faire connaissance. Quand elle est arrivée dans son studio de Mercer Street, à Greenwich Village, elle ne savait quasiment rien de lui si bien qu’en le voyant, elle l’a pris pour l’ingénieur du son. Elle s’était attendue à trouver un vieux Juif à barbe longue.
    Cette rencontre était aussi maladroite qu’un premier rendez-vous amoureux. Amy a fait écouter à Mark des morceaux des Shangri-Las, rétro comme elle les aimait, exactement ce qu’elle voulait pour son prochain album. Il ne connaissait que deux ou trois chansons de cette période et Amy lui a donné un cours de rattrapage sur les groupes féminins pop des années soixante. Elle avait fait pareil avec moi le jour où j’avais découvert une pile de vieux vinyles (The Ronettes, The Chiffons, The Crystals) qu’elle avait trouvés au marché de Camden. C’est ça qui lui a inspiré son maquillage et sa coiffure sixties .
    Quand ils se sont revus le lendemain, Mark avait composé au piano les accords qui accompagneraient les couplets de « Back in Black ». Il a ajouté un rythme de batterie, un tambourin et « une tonne d’échos ». Amy était emballée. La première chanson du disque était née.
    Alors qu’elle devait reprendre l’avion pour l’Angleterre, elle m’a appelé pour m’avertir qu’elle resterait quelques jours supplémentaires afin de poursuivre le travail avec Mark. Deux semaines plus tard, au terme d’un séjour extrêmement productif, ils avaient accouché ensemble de cinq ou six chansons. Elle lui jouait une mélodie à la guitare, écrivait les accords puis le laissait travailler les arrangements.
    La plupart des morceaux parlaient de Blake, ce qui n’a pas échappé à Mark. Elle lui a expliqué qu’écrire sur lui était une catharsis. Le titre « Back to Black » résumait son état d’esprit quand ils avaient rompu : Blake est retourné vers son ex, et Amy, vers l’alcool et les mauvais jours, vers l’obscurité en somme. Ces paroles figurent parmi les plus fortes qu’elle ait écrites parce qu’elles se rapportent à une période difficile de sa vie.
    Mark et Amy se stimulaient musicalement, chacun apportant à l’autre de nouvelles idées. Un jour, ils ont décidé de se balader dans le quartier pour qu’Amy puisse acheter un cadeau à Alex Clare. En revenant au studio, Amy a raconté à Mark ses difficultés avec Blake et sa relation avec Alex. Elle lui a également parlé de l’épisode qui avait eu lieu chez moi, quand nous nous étions réunis pour discuter de son problème d’alcoolisme.
    — Tu sais, ils ont voulu m’envoyer en désintox, mais j’ai dit non, non, non.
    — Ça ferait de bonnes paroles, a commenté Mark. C’est accrocheur. Tu devrais en faire une chanson.
    Bien entendu, Amy avait déjà écrit cette phrase dans son cahier depuis des lustres. Elle m’avait dit qu’elle voulait écrire une chanson à propos de cet épisode, mais c’est à cet instant précis que « Rehab » a réellement pris forme.
    Elle avait également composé un « hook », une mélodie destinée à attirer l’attention de l’auditeur, mais quand elle l’a joué pour Mark ce jour-là, il le trouvait trop lent, trop blues . Mark lui a suggéré de s’inspirer des groupes féminins des années soixante qu’elle admirait tant. Il trouvait également amusant de transposer les couplets en mi mineur et la mineur, ce qui leur donnerait un son guilleret rappelant les Beatles. Elle n’avait pas l’habitude de ce genre de choses ; la plupart de ses morceaux étaient basés sur des accords jazzy. Mais ça a fonctionné et elle a composé « Rehab » en trois heures à peine ce jour-là.
    Si vous aviez forcé Amy à s’asseoir tous les jours à une table avec un papier et crayon, elle n’aurait pas écrit une ligne. Mais de temps en temps, quelque