Amy, ma fille
et Alex étaient fascinés par l’East End et je les y ai souvent emmenés. Ils aimaient écouter des histoires sur notre famille ; voir les lieux où elle avait vécu donnait du relief à ces anecdotes. Amy adorait que je raconte mes week-ends de petit garçon passés dans ce coin. Chaque vendredi, mes parents et moi allions à Albert Gardens, où nous restions jusqu’au dimanche soir. La maison était pleine à craquer. Il y avait ma grand-mère Celie, mon arrière-grand-mère Sarah, mais aussi mon grand-oncle Alec, oncle Wally, oncle Nat et la jumelle de ma mère, Lorna. Comme si cela ne suffisait pas, un survivant des camps nazis vivait au dernier étage, Izzi Hammer, qui, hélas, est décédé en janvier 2012.
Les week-ends à Albert Gardens débutaient par le repas du vendredi soir typique de la tradition juive : soupe au poulet suivie d’un poulet rôti, pommes de terre, petits pois et carottes. Le dessert était un lokshen , un gâteau à base de nouilles et de raisins. Je ne me souviens plus où tous ces gens dormaient, mais ces moments étaient magiques, il y avait toujours des danses, des chansons, des jeux de cartes, et plein de choses à boire et à manger. Les disputes éventuelles se mêlaient aux éclats de rire d’une grande et heureuse famille juive. Nous avons maintenu cette tradition du vendredi soir pendant presque toute la vie d’Amy, c’était un moment sacré pour nous. Et cela nous permettait de voir qui étaient les vrais amis de notre fille : seuls les plus proches étaient invités aux dîners du vendredi.
*
Je passais beaucoup de temps avec les enfants le week-end. En janvier 1982, alors qu’Alex avait presque trois ans, je l’ai emmené à son premier match de foot (à l’époque, on pouvait venir avec de jeunes enfants s’ils s’asseyaient sur nos genoux) : Spurs vs West Bromwich Albion. Il faisait un froid de canard et je n’avais pas envie d’y aller, mais Janis lui a enfilé sa combinaison molletonnée qui lui donnait l’air d’être deux fois plus grand ; il pouvait à peine bouger. Quand nous sommes arrivés au stade, je lui ai demandé si tout allait bien et il a répondu oui. Cinq minutes après le coup d’envoi, il a eu envie d’aller aux toilettes. L’extraire de sa combinaison n’a pas été facile et il m’a fallu dix minutes ensuite pour le rhabiller. Une fois revenus à nos places, il a eu de nouveau envie, donc rebelote. Enfin, à la mi-temps, il m’a dit : « Papa, je veux rentrer à la maison. Ça me manque. »
Quand Amy avait sept ans, je l’ai emmenée voir un match. En rentrant, Janis lui a demandé si ça lui avait plu. Amy a répondu qu’elle avait détesté. Comme Janis voulait savoir pourquoi elle n’avait pas demandé à rentrer plus tôt, Amy a répondu : « Papa s’amusait bien et j’avais pas envie de l’embêter. » C’était typique de la petite Amy, toujours prévenante.
À cinq ans, Amy a commencé à fréquenter l’école primaire d’Osidge, où Alex était déjà inscrit. C’est là qu’elle a rencontré Juliette Ashby, qui est rapidement devenue sa meilleure amie. Elles étaient inséparables à cet âge et sont restées proches pendant presque toute sa vie. Son autre copine à Osidge s’appelait Lauren Gilbert, qu’Amy connaissait déjà parce qu’Harold, le frère de mon père, était le grand-père par alliance de Lauren.
Amy devait porter une chemise bleu pâle ainsi qu’une cravate, avec un pull et une jupe de couleur grise. Elle était contente de rejoindre son frère à l’école, mais les ennuis ont vite commencé. Chaque jour à Osidge menaçait d’être le dernier. Sans être insupportable, elle perturbait la classe et se faisait constamment remarquer. Nous recevions des plaintes régulières au sujet de son comportement. En classe, elle ne se tenait jamais tranquille, elle gribouillait dans son cahier ou inventait des canulars. Un jour, elle s’est cachée sous le bureau de son instituteur. Quand il a demandé où était Amy, elle a ri tellement fort qu’elle s’est cogné la tête contre le bureau et a dû rentrer à la maison.
Son institutrice de CE1, miss Cutter (aujourd’hui Jane Worthington), qui m’a écrit peu après sa mort, se souvient bien d’elle :
« Amy était une enfant vive qui est devenue une belle et talentueuse jeune femme. Je me souviens d’elle comme d’une petite fille qui exprimait toujours ses sentiments. Quand elle était heureuse, tout le monde le
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