Apocalypse
massacre des enfants d’une tribu du Darfour uniquement pour abréger la vie d’un être maléfique, et il avait senti sa foi vaciller. Faire tuer des innocents allait contre les paroles d’amour du Christ. Mais le maître l’avait rassuré : c’était nécessaire pour établir enfin le royaume de Dieu sur terre, et puis tant de malheureux avaient déjà été exterminés dans cette zone, preuve que le Tout-Puissant était à l’œuvre lui aussi derrière ces massacres. Après de longues hésitations, il avait fini par obéir. Il avait sélectionné Alnasrif, l’instrument déjà utilisé par le gouvernement central pour mater les tribus rebelles du Darfour. Un choix judicieux.
Les pales de l’Y546 russe commencèrent à tournoyer. Il monta dans l’appareil, suivi de son aide de camp. L’hélicoptère décolla rapidement, tournoya un instant au-dessus du campement et fila vers le sud.
New York
23 juin 2009
La nuit s’installait sur la mégalopole située à des milliers de kilomètres du Soudan. Dans l’un des gratte-ciel illuminés de Manhattan, siège de l’American Faith Society, à l’avant-dernier étage, un écran d’ordinateur clignota. John Miller consulta la boîte mail cryptée. L’élimination avait eu lieu. Satisfait mais blasé, il tourna son fauteuil vers la baie vitrée qui donnait sur le rectangle verdoyant de Central Park.
Un assassinat de plus. Le sort de Moussa Alnasrif était réglé.
John Miller avait brièvement contemplé la photo de la victime. Combien de ses prédécesseurs avaient reçu de tels messages de leurs frères depuis l’existence de la société de Judas ? Des centaines. Il se leva pour se diriger devant la grande toile de Poussin accrochée sur un mur banc.
Les Bergers d’Arcadie .
Une copie, certes, mais il la contemplait toujours avec ravissement. Surtout depuis qu’il possédait le dessin original.
Il appuya sur un minuscule bouton situé à côté de la toile. Le tableau coulissa vers la gauche pour faire apparaître la porte mate d’un coffre-fort.
Il tapa la combinaison sur l’écran électronique à reconnaissance digitale. La porte s’ouvrit, dévoilant un grand livre à la reliure ancienne. Il prit l’ouvrage et le posa sur son bureau. Il saisit son stylo à capuchon d’or et ouvrit le Livre du Sang .
Le téléphone sonna : celui des appels prioritaires. Le nom de Tristan s’afficha. Il décrocha immédiatement. La voix jeune résonna dans le combiné :
— Nous venons d’arriver.
— Parfait. Trouvez la cible et faites le nécessaire. Retrouvez le tombeau. Vous êtes tout près du but.
Il raccrocha et reprit son stylo pour inscrire le nom de Moussa Alnasrif dans le Livre du Sang . Non loin du nom de la tribu qu’il avait lui-même massacrée sans pitié un an auparavant.
43
Paris
Aéroport de Roissy
24 juin 2009
Comme d’habitude le hall de Roissy était bondé. Devant la queue pour la navette Paris-Toulouse, Marcas avait décidé, en attendant, de se rafraîchir au sous-sol. L’idée désormais lui paraissait nettement moins bonne. Un coup d’œil à la glace lui avait ôté bien des illusions sur sa prochaine rencontre avec Cécile à Rennes-le-Château. Il y voyait un homme aux traits tirés, aux yeux rouges de fatigue et à la barbe plus que naissante. Il tira de son sac un rasoir à main, emprunté à l’hôtel de Jérusalem, et commença le lent travail destiné à se donner figure humaine. Se raser lui avait toujours paru une corvée, mais au moins ça lui donnait le temps de se poser, de réfléchir sur la violence des derniers événements.
Tout en contemplant son visage, Antoine tenta de remettre de l’ordre dans la chronologie des dernières heures.
Il venait de sortir d’une réunion d’urgence au ministère où il avait essayé d’expliquer, à une cohorte de hauts fonctionnaires méfiants et incrédules, la succession de meurtres qui jalonnaient sa route depuis qu’il avait en charge l’affaire du Poussin. Quatre cadavres, dont ceux de trois flics, en moins de vingt-quatre heures, voilà qui avait de quoi rendre sa hiérarchie nerveuse.
— Et vous nous expliquez que toutes ces morts sont dues à un simple dessin ? s’indigna presque un représentant du ministère.
— Un dessin qui a à voir avec un mystère ancestral, celui de Rennes-le-Château, tenta de justifier le commissaire, d’ailleurs je vous ai amené toute une littérature à ce sujet.
Devant les yeux
Weitere Kostenlose Bücher