Au bord de la rivière T4 - Constant
fumée.
— J’espère qu’Antonin a pas oublié qu’on revenait aujourd’hui, fit Xavier en regardant autour de lui à la recherche de l’adolescent de dix-huit ans qui travaillait avec lui depuis plus de deux ans.
Il allait s’adresser au chef de gare quand il aperçut Antonin Lemoyne en train d’immobiliser son boghei près de l’édicule qui servait de gare. Le jeune homme s’empressa de descendre de voiture pour se porter à la rencontre de Xavier et de sa femme, la figure illuminée par un grand sourire.
— Vous avez fait bon voyage ? demanda-t-il en regardant avec curiosité la petite fille que Catherine tenait par la main.
La jeune madame Beauchemin l’embrassa sur une joue en lui assurant qu’ils avaient fait un très beau voyage. Antonin rougit.
— Et toi, je suppose que t’as pas haï ça jouer au patron tout seul sur ma terre, plaisanta Xavier en lui donnant une bourrade affectueuse.
— C’était ben d’agrément, dit en riant l’adolescent. Et qui est cette belle fille ? demanda-t-il en désignant Constance qui suçait son pouce en le fixant.
— C’est Constance, notre fille, répondit Xavier sur un ton plein de défi. On vient de l’adopter.
— Est-ce que je peux la prendre ?
— Tu peux toujours essayer, répondit Catherine avec un sourire.
Antonin tendit les bras à la petite fille qui s’avança vers lui, pleine de confiance. Il la souleva, plaqua un baiser sonore sur l’une de ses joues rebondies et se dirigea vers le boghei, suivi par son patron et sa femme.
— J’ai l’impression que Constance et moi, on va ben s’entendre tous les deux, dit-il en tendant l’enfant à Catherine après qu’elle eut pris place dans la voiture avec son mari.
Il monta sur le siège avant et reprit les guides pour mettre l’attelage en marche.
À leur arrivée à la maison, au bout du rang Sainte-Ursule, Antonin arrêta la voiture près de la galerie de la maison neuve qu’il avait construite avec Xavier. Il laissa descendre la petite famille avant de poursuivre son chemin jusque devant l’écurie.
Sans aucun effort apparent, Xavier souleva sa femme et sa fille dans ses bras et leur fit franchir le pas de la porte avant de les déposer au milieu de la cuisine.
— T’es chez vous ici dedans, déclara le fils de Baptiste Beauchemin à sa nouvelle épouse. Ça, c’est ta cuisine. Pendant que je vais aller donner un coup de main à Antonin à faire le train, essaie de nous préparer quelque chose à manger.
Sur ces mots, il s’empara de leur valise et la laissa sur leur lit avant de changer de vêtements et de quitter la maison. Laissée seule avec Constance, Catherine installa sa fille dans leur lit pour une courte sieste et retourna dans la cuisine où elle se mit en devoir de dresser le couvert et d’explorer le garde-manger.
Ensuite, elle se dirigea sans la moindre hésitation vers le puits creusé au centre de la cour pour aller en retirer le seau dans lequel les deux hommes avaient dû placer ce qui restait de viande depuis la fonte de la glace utilisée pour la conserver pendant l’hiver. Elle ne découvrit que deux pièces de bœuf et un petit jambon. Elle prit le jambon et rentra dans la maison en se promettant de le faire cuire durant la soirée.
Elle pénétra ensuite dans la petite remise voisine, certaine de trouver dans le coffre des briques de lard entreposées dans de la saumure. De retour dans la cuisine, elle alluma le poêle avant de se mettre à éplucher des pommes de terre. Elle eut même le temps de préparer un pudding avant que les hommes rentrent pour souper.
— Ça fait ben longtemps qu’on n’a pas aussi ben mangé, déclara Antonin pour taquiner son patron à la fin du repas.
— Peut-être, mais tu vas voir qu’une femme, ça fait autrement plus de vaisselle sale à laver, par exemple, se moqua Xavier en lui montrant du pouce tous les plats à nettoyer.
— À trois, ça devrait pas être si long que ça, rétorqua l’adolescent en adressant un clin d’œil à Catherine.
— Ayez pas peur, c’est pas un travail pour les hommes, affirma Catherine en riant. Je m’en occupe.
— À soir, on va faire une exception, annonça Xavier, sérieux. J’aimerais aller montrer la petite à ta famille. On va laver la vaisselle tous les deux, Antonin et moi, pendant que tu la prépares.
Tout le temps où Catherine fit la toilette de sa fille, elle sembla en proie à une certaine nervosité que son mari finit par
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