Au bord de la rivière T4 - Constant

irait en voyage de noces à Québec, chez le frère du marié, pour la plus grande joie de la cadette des Beauchemin qui n’avait jamais pris le train. Emma, Célina, Camille et Catherine avaient promis d’aider à la préparation du dîner de noces qui allait être offert sous les érables à l’arrière de la grande maison en pierre construite par Baptiste.
    Hubert et Célina n’en avaient pas encore parlé aux membres de leur famille, mais ils avaient décidé de se fiancer à la mi-août et de se marier le dernier samedi du mois d’octobre.
    — Le rang Saint-Jean sera peut-être jamais le cœur du village de Saint-Bernard, comme le voulait tant le père, déclara Donat, mais il va y avoir assez de Beauchemin pour en faire le rang le plus important.
    — Et nous autres, on n’est pas des cotons de blé d’Inde, blasphème ! intervint son frère Xavier en posant une main sur le ventre de Catherine dont la grossesse approchait de son terme. Tu vas voir que même si on reste à l’autre bout de Sainte-Ursule, on va en prendre de la place, nous autres aussi.

    Une surprise inespérée attendait tous les clients d’Eudore Valiquette à Saint-Bernard-Abbé, une semaine plus tard. Ils reçurent tous à trois jours d’intervalle des nouvelles pour le moins rassurantes.
    Selon toute apparence, le petit homme retrouvé dans un fossé près de Québec n’était pas le notaire disparu. Dans la missive que les clients reçurent, estomaqués, il s’excusait d’avoir eu à quitter rapidement la paroisse à la suite de graves problèmes de santé, mais précisait qu’il avait eu la prudence de confier tous leurs avoirs à maître Gustave Corriveau, un confrère de Sorel en qui il avait toute confiance. Ce dernier lui avait promis d’entrer en contact avec chacun d’eux dès le début du mois de juillet.
    De fait, quelques jours plus tard, Hormidas Meilleur distribua de nombreuses lettres à l’apparence officielle. Très vite, les sourires réapparurent sur les visages de nombreux paroissiens de Saint-Bernard-Abbé. Paddy Connolly était de ceux dont l’humeur avait rapidement changé après le passage du père Meilleur. Néanmoins, à la grande surprise de Camille et Liam, le retraité choisit de persévérer dans sa nouvelle conduite.
    — Vous étiez prêts à me garder pour rien. Je n’oublierai jamais ça ! leur déclara-t-il. Si on a retrouvé mon argent, on va s’en servir, je vous le jure.
    Quant au curé Fleurant, il était heureux que le bonheur, la joie et l’entraide soient revenus dans sa paroisse, mais il n’était pas naïf au point de croire que l’arrivée des chaleurs de l’été et la beauté des eaux de la Nicolet qui bruissaient entre ses deux rives en étaient l’unique cause.
    Sainte-Brigitte-des-Saults
    juillet 2010