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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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nullement à dissimuler.
    Le soir même, le curé de Saint-Bernard-Abbé en eut une autre preuve. Bérengère passa derrière lui pour remplacer l’assiette qu’il venait de vider par un bol de crème.
    — Est-ce que ça fait bien longtemps que vous vous êtes fait couper les cheveux, monsieur le curé ? lui demanda- t-elle avant de sortir de la pièce.
    — À peu près deux mois. Pourquoi vous me demandez ça, madame Mousseau ? fit le prêtre.
    — Parce qu’ils commencent à être pas mal longs et vous avez pas l’air bien propre avec des cheveux comme ça, répondit-elle sans la moindre gêne. Vous avez beau ne plus en avoir bien gros sur le dessus de la tête, en arrière, ça tombe sur votre collet romain. En plus, avec vos favoris trop épais, on vous voit presque plus le visage. On dirait que vous cherchez à vous cacher.
    Josaphat Désilets, désarçonné encore une fois par tant de franchise, piqua un fard.
    — Qui vous coupe les cheveux d’habitude ? poursuivit la ménagère.
    — Le père Moreau, laissa tomber sèchement le prêtre, de plus en plus agacé.
    — Eh ben ! Vous lui direz qu’il mérite pas de félicitations pour vous avoir écharogné la tête comme ça.
    — Voyons donc, batèche ! protesta faiblement le curé de Saint-Bernard.
    — Vous, vous le voyez pas, mais en arrière, tout est inégal, et ça vous fait une drôle de tête, expliqua Bérengère sur un ton uni.
    — Peut-être, madame, mais j’ai pas le choix de demander à mon bedeau, c’est le seul homme de Saint-Bernard qui fait cette besogne-là.
    — C’est peut-être ça le problème, monsieur le curé. Vous avez cherché un homme. Il me semble que vous devriez savoir depuis longtemps que ce sont les mères qui coupent les cheveux, pas les pères.
    — Et je suppose que vous, vous êtes capable de faire bien mieux que le père Moreau, fit Josaphat Désilets, un peu sarcastique.
    — Facilement, déclara la ménagère sans la moindre hésitation. Pendant trente ans, j’ai coupé les cheveux de chacun de mes trois maris et je coupe encore ceux de mon gendre, si vous voulez le savoir.
    Il y eut un bref silence dans la salle à manger avant que le prêtre finisse par demander à sa ménagère :
    — Est-ce que vous accepteriez de me couper les cheveux ?
    — Je peux vous faire ça demain avant-midi, après mon ménage, accepta la veuve avant de quitter la pièce avec l’assiette.
    Le lendemain avant-midi, Bérengère Mousseau alla prévenir le curé de Saint-Bernard-Abbé, qui lisait son bréviaire en marchant sur la galerie, qu’elle était prête à lui couper les cheveux. Celui-ci, arborant une mine de condamné, referma son livre de prières et la suivit jusqu’à la cuisine. La ménagère l’invita à s’asseoir sur le banc placé au centre de la pièce et lui tendit un linge à vaisselle.
    — Mettez-vous ça autour du cou, monsieur le curé, lui ordonna-t-elle avant de s’emparer d’une paire de ciseaux.
    — Coupez-les pas trop court sur le dessus de la tête, exigea Josaphat Désilets, subitement inquiet.
    — Inquiétez-vous pas. Je peux pas couper les cheveux que vous avez pas, répliqua la veuve d’une voix acide.
    — Je le sais, rétorqua-t-il abruptement.
    — Là, essayez de pas me parler pendant que je coupe vos cheveux. Quand on me distrait, je manque mon coup.
    Le curé de Saint-Bernard-Abbé se résigna à fermer les yeux et à se taire, pendant que sa ménagère se mettait résolument au travail. Dans la cuisine, on n’entendit durant de longues minutes que des cliquetis de ciseaux. Le prêtre sentait bien que Bérengère tournait autour de lui en utilisant sans arrêt son instrument de travail.
    Après ce qui lui sembla une éternité, la veuve s’arrêta et s’éloigna un peu de lui en poussant un soupir de satisfaction.
    — Là, vous pouvez ouvrir les yeux et aller vous regarder dans le miroir, lui dit-elle. Je pense avoir fait de la belle besogne.
    Josaphat Désilets quitta le banc sur lequel il était assis et se dirigea vers le petit miroir suspendu au-dessus de l’évier. Il sursauta en apercevant son visage et eut le réflexe de passer une main sur ses favoris qui avaient diminué de moitié. Il eut envie d’exploser, mais un coup d’œil sur ses cheveux l’en empêcha. Il devait convenir qu’ils n’avaient jamais été si bien coupés depuis des années. De plus, à bien y penser, des favoris moins larges et moins épais le rajeunissaient un

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