Au bord de la rivière T4 - Constant
l’air désœuvrés. Marie-Rose avait son air boudeur habituel. La maîtresse des lieux s’empressa d’apprendre au jeune couple ce que Xavier Beauchemin venait d’offrir à Catherine.
— Du maudit gaspillage juste pour se montrer plus fin que les autres ! fit Cyprien sur un ton rogue. Comme si une femme avait besoin de bottines quand elle a déjà des souliers qui sont encore bons. D’où ça venait, ces bottines-là ?
— De Constant Aubé.
— Si ce maudit boiteux-là arrête pas de donner toutes sortes de goûts aux femmes de la paroisse, il va falloir qu’on lui parle. L’année passée, c’était les manchons et l’année d’avant, c’était les bottes.
— En tout cas, ton beau-frère a fait ça pour faire plaisir à ta sœur, rétorqua sèchement sa mère. Faire plaisir à sa femme de temps en temps, c’est pas un péché, ajouta-t-elle.
— C’est vrai, ça, confirma Marie-Rose en lui jetant un regard lourd de reproche.
— À mon avis, un cadeau, ça se mérite, répliqua son mari d’une voix acerbe avant de se lever pour aller faire une sieste.
Quelques heures plus tard, à l’autre extrémité de Saint-Bernard-Abbé, chez les Connolly, la maîtresse de maison avait organisé une petite fête pour célébrer le onzième anniversaire de Duncan et les trente-neuf ans que Liam allait avoir trois jours plus tard. La mère et les enfants s’étaient donné beaucoup de mal pour fabriquer de petits présents destinés à faire plaisir à ceux qu’on allait fêter.
Camille savait que cette célébration allait contrarier Liam qui considérait toujours cela comme de la « niaiserie », mais elle tenait à ce que les siens soulignent toutes les fêtes. Au moment du dessert, chacun alla quérir les cadeaux plus ou moins bien emballés et les déposa, avec fierté, devant leur père et Duncan.
— Pourquoi faire ça ? demanda Liam avec une note de mécontentement dans la voix.
— Juste pour te faire plaisir, se borna à répondre sa femme. Contente-toi d’ouvrir tes cadeaux, comme Duncan.
Assis à la droite de son neveu, Paddy Connolly ne disait rien. Il regardait ce que les fêtés déballaient. Évidemment, il ne lui serait jamais venu à l’idée d’offrir quoi que ce soit pour marquer l’anniversaire de son hôte ou de son neveu, même si sa nièce par alliance lui avait mentionné à deux ou trois reprises la semaine précédente son intention d’organiser une fête.
Liam, peu à l’aise, finit par déballer à son tour les présents placés devant lui, sur la table. Il avait reçu un dessin de Rose, une paire de chaussettes et une chemise de la part d’Ann et de Camille ainsi qu’une pipe en plâtre de Patrick et Duncan. Le père de famille remercia les siens.
— C’est pas fini, affirma Camille en faisant signe à Ann d’aller au garde-manger.
L’adolescente en revint avec un gros gâteau glacé à la vanille. Elle le déposa au centre de la table.
— Est-ce que c’est juste pour p’pa et moi ? demanda Duncan.
— Whow, mon garçon ! s’écria Paddy Connolly. On a tous droit à un gros morceau de ce gâteau-là, nous autres.
— J’ai l’impression qu’il y en a autour de cette table qui y ont moins le droit que d’autres, laissa tomber Camille en fixant sans ciller son locataire avare, fainéant et détestable.
Sur ce, elle tendit un couteau à Ann en la priant de servir.
Dès que les enfants se furent retirés dans leur chambre après la prière du soir, Liam attendit que son oncle monte à son tour avant de disparaître dans sa chambre à coucher en disant à sa femme qu’il allait revenir s’asseoir à ses côtés sur la galerie dans quelques instants. Intriguée, Camille l’entendit fouiller dans le tiroir de sa commode, puis monter à l’étage. Il ne demeura là que peu de temps avant de revenir pousser la porte moustiquaire et de s’asseoir dans sa chaise berçante.
— Cherchais-tu quelque chose ? lui demanda-t-elle, curieuse.
— Oui, un petit couteau à deux lames que j’ai depuis une douzaine d’années.
— L’as-tu trouvé ?
— Oui, et je suis monté le donner à Duncan. Pas nécessaire de te dire qu’il était content.
— Là, t’es fin, ne put s’empêcher de dire Camille. C’est certain qu’il doit être content.
Pour la première fois depuis qu’elle le connaissait, il avait fait un cadeau à l’un de ses enfants le jour de son anniversaire. Elle avait l’impression tout à coup
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