Au Coeur Du Troisième Reich
j’en sache rien.
C’était le premier coup porté à ma position, qui avait paru jusqu’alors inébranlable. Sauckel annonça sa victoire à ses collègues Gauleiter par une proclamation dans laquelle, entre autres choses, il annonçait : « Afin d’apporter aux ménagères allemandes et surtout aux mères de famille nombreuse… un soutien efficace et de protéger leur santé, le Führer m’a chargé de prélever dans les territoires de l’Est environ 400 000 à 500 000 jeunes filles saines et robustes et de les transférer dans le Reich 15 . » Alors qu’en Angleterre le nombre des aides ménagères avait en 1943 diminué des deux tiers, en Allemagne ce nombre resta à peu près le même jusqu’à la fin de la guerre, c’est-à-dire plus de 1 400 000 16 . Bientôt le bruit circula dans la population qu’avec l’arrivée de 500 000 Ukrainiennes, les fonctionnaires du parti n’étaient plus en peine de trouver des domestiques.
La production d’armements des puissances belligérantes dépendait de la répartition de l’acier brut. Durant la Première Guerre mondiale, l’économie de guerre allemande consacra 46,5 % de l’acier brut à la production d’armements. En prenant mes fonctions, je constatai au contraire que la part de l’armement, dans la consommation totale d’acier brut, ne se montait qu’à 37,5 % 17 . Afin de pouvoir augmenter ce pourcentage, je proposai à Milch de procéder en collaboration avec lui à la répartition des matières premières.
Le 2 avril nous fîmes donc route une nouvelle fois vers Karinhall. Göring s’étendit d’abord sur toutes sortes de sujets, puis, en fin de compte, il se déclara disposé à approuver notre idée visant à créer un office central de planification dépendant du Plan de quatre ans. Impressionné par notre démarche commune, il demanda presque timidement : « Vous est-il possible de prendre mon ami Körner comme troisième collaborateur ? S’il était tenu à l’écart, cela lui ferait de la peine 18 . »
L’Office central de planification devint bientôt l’institution la plus importante de notre économie de guerre. D’ailleurs, il était inconcevable qu’on n’eût pas créé depuis longtemps une instance supérieure, chargée de diriger les différents programmes et de définir les priorités. Jusque vers 1939, c’est Göring qui avait lui-même assumé cette fonction ; ensuite il ne s’était trouvé personne qui ait eu l’autorité nécessaire pour dominer ces problèmes, dont la complexité et l’importance allaient croissant, et pour suppléer à la carence de Göring 19 . Le nouveau décret de Göring instituant l’Office central de planification prévoyait bien qu’il pourrait prendre lui-même toutes les décisions qu’il jugerait nécessaires. Mais, comme je m’y attendais, il ne demanda jamais rien et nous n’eûmes aucun motif d’avoir recours à lui 20 .
Les séances de l’Office central de planification avaient lieu à mon ministère, dans la grande salle de conférences. Elles traînaient en longueur et une foule de personnes y participaient : ministres et secrétaires d’État y venaient en personne. Assistés de leurs conseillers techniques, ils menaient souvent une lutte dramatique pour préserver leurs contingents. La difficulté de notre tâche venait de ce qu’il fallait accorder le moins possible à l’économie civile, mais tout de même suffisamment pour que l’armement ne pâtisse pas d’une production insuffisante dans les autres secteurs de la production ; il fallait aussi pourvoir suffisamment aux besoins de la population 21 .
Pour ma part, j’entrepris de mener une action énergique pour limiter la production des biens de consommation, d’autant plus qu’au début de 1942 elle n’était inférieure que de 3 % à ce qu’elle était en temps de paix. Mais je ne réussis à la réduire, en 1942, que de 12 % en faveur de l’armement 22 . En effet, trois mois ne s’étaient pas écoulés, que Hitler regrettait déjà sa décision de donner la priorité à la production d’armements. Les 28 et 29 juin 1942 il ordonnait de « reprendre la fabrication des produits de consommation courante destinésà la population ». J’émis une protestation en arguant que « pour tous ceux qui ont accepté à contrecœur la priorité donnée à l’armement dans la production, cette nouvelle consigne est un encouragement supplémentaire
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