Au Coeur Du Troisième Reich
ces constructions était ramené à trois milliards de marks. Mais il s’avéra que l’exécution de ce décret impliquait l’abandon de certains projets à longue échéance de l’industrie chimique, dont le coût s’élevait à environ un milliard de marks 9 , et Hitler n’était plus d’accord. Il voulait toujours tout faire en même temps et justifia ainsi son refus : « La guerre avec la Russie va peut-être bientôt se terminer. Mais j’ai d’autres projets à plus longue portée, et pour les réaliser, il me faut plus de carburant synthétique que précédemment. Il faut que les nouvelles usines soient construites, même si elles ne peuvent être terminées avant plusieurs années. » Un an après, le 2 mars 1943, force me fut de constater qu’il était inutile « de construire des usines qui devaient servir à réaliser de grands programmes mais dans le futur, et qui ne produiraient qu’après le 1 er janvier 1945 10 ». En septembre 1944, la situation militaire étant entre-temps devenue catastrophique, cette décision malheureuse, prise par Hitler au printemps 1942, constituait encore un sérieux handicap pour notre production d’armements.
Malgré cette décision, qui contrariait notablement mon projet visant à restreindre la construction, quelques centaines de milliers d’ouvriers devinrent disponibles et purent être affectés à l’industrie d’armements. C’est alors qu’un nouvel obstacle inattendu se présenta : le D r Mansfeld, directeur ministériel et chef du service de la main-d’œuvre au Plan de quatre ans, m’expliqua franchement qu’il n’avait pas une autorité suffisante pour transférer d’une région à une autre les ouvriers devenus disponibles, lorsque les Gauleiter s’y opposaient 11 . Effectivement, dès qu’on s’en prenait à leurs prérogatives, les Gauleiter oubliaient pour un temps les rivalités et les intrigues qui les opposaient et faisaient front en bloc. Je compris que, malgré la solidité de ma position à cette époque, je ne pourrais jamais, à moi tout seul, venir à bout de ces hommes-là. Il me fallait en trouver un parmi eux qui pût, nanti par Hitler d’un pouvoir spécial, apporter une solution à ces difficultés. Je fixai mon choix sur mon vieil ami Karl Hanke, qui était depuis longtemps le secrétaire d’État de Goebbels, et faisait partie de leur clan, puisqu’il était depuis janvier 1941 Gauleiter de Basse-Silésie. Hitler se montra disposé à m’adjoindre un délégué qui aurait les pleins pouvoirs. Mais cette fois Bormann réussit à me couper l’herbe sous le pied. Hanke était en effet connu comme l’un de mes alliés ; sa nomination aurait non seulement renforcé mes pouvoirs, mais également signifié une immixtion dans les affaires du parti, le domaine réservé de Bormann.
Deux jours plus tard, lorsque je revins présenter ma requête à Hitler, il me donna son assentiment, mais refusa d’entériner le choix que j’avais fait : « Hanke est trop jeune pour un Gauleiter, et il aurait du mal à se faire respecter. J’en ai parlé avec Bormann. Nous prendrons Sauckel 12 ».
Bormann avait réussi à faire nommer Sauckel et obtenu de Hitler qu’il soit placé directement sous ses ordres. Göring protesta à juste titre, car il s’agissait d’une responsabilité qui s’était exercée jusqu’alors dans le cadre du Plan de quatre ans. Avec cette manière désinvolte et bien à lui de manipuler l’appareil de l’État, Hitler nomma donc Sauckel « commissaire général » ; mais en même temps il l’intégra dans l’organisation du Plan de quatre ans. Göring protesta une nouvelle fois, car le procédé était manifestement humiliant. Il est évident que Hitler n’aurait pas eu besoin d’insister beaucoup pour amener Göring à désigner lui-même Sauckel, mais il n’en fit rien. La rancune de Bormann avait fini par porter une nouvelle atteinte au prestige déjà entamé de Göring.
Sauckel et moi, nous fûmes convoqués au quartier général de Hitler. En remettant à Sauckel son acte de nomination, Hitler nous fit observer qu’il ne devait pas y avoir de problème de la main-d’œuvre et il répéta en des termes analogues ce qu’il avait déjà déclaré le 9 novembre 1941 : « Les territoires qui travaillent directement pour nous comprennent plus de 250 millions d’hommes ; il est un fait certain, c’est que nous devons parvenir à atteler ces hommes au
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