Au Coeur Du Troisième Reich
travail sans ménagements 13 . » Hitler confia à Sauckel la charge de recruter impitoyablement dans les territoires occupés tous les ouvriers dont nous avions besoin. De ce jour date un aspect funeste de mon action. Car, durant les deux années et demie qui suivirent, je ne cessai de harceler Sauckel pour qu’il affecte de force des travailleurs étrangers à la production d’armements.
Les premières semaines, notre collaboration fut excellente. Sauckel nous promit tout bonnement, à Hitler et à moi, de supprimer toute pénurie de main-d’œuvre et de remplacer ponctuellement les ouvriers spécialisés mobilisés sous les drapeaux. De mon côté je l’aidai à acquérir de l’autorité et je lui apportai mon soutien quand je le pus. Sauckel s’était avancé très loin avec ses promesses. En temps de paix, les ouvriers qui mouraient ou atteignaient l’âge de la retraite étaient remplacés par la génération montante qui fournissait chaque année environ 600 000 hommes. Maintenant ces jeunes gens étaient incorporés dans la Wehrmacht, avec d’ailleurs une partie de la main-d’œuvre de l’industrie. Aussi manquait-il à l’économie de guerre en 1942 bien plus d’un million d’ouvriers.
En un mot, Sauckel ne put réaliser ce qu’il avait promis. Les espérances de Hitler, qui pensait prélever sans difficultés les ouvriers qui manquaient à l’Allemagne dans une population de 250 millions de personnes, furent également déçues, d’une part en raison de la faiblesse des Allemands qui exerçaient le pouvoir dans les territoires occupés, d’autre part parce que les hommes concernés inclinaient davantage à fuir dans les forêts, pour rejoindre les rangs de la résistance, qu’à se laisser traîner en Allemagne pour y être mis au travail.
Lorsque les premiers ouvriers étrangers arrivèrent dans les usines, notre organisation industrielle se mit à m’adresser des réclamations. Les doléances étaient de toutes sortes. Les ouvriers qualifiés qui avaient été jusque-là en sursis d’appel et étaient maintenant remplacés par des étrangers étaient ceux qui travaillaient à nosfabrications les plus importantes ; et c’est là que la pénurie était la plus grave. En outre, les services d’espionnage et de sabotage de l’ennemi arrivaient à leurs fins très facilement, leurs agents n’avaient qu’à s’enrôler dans les colonnes de Sauckel. Partout on manquait d’interprètes pour s’entendre avec les différents groupes linguistiques. Des collaborateurs de l’industrie me présentèrent des statistiques prouvant que le recrutement des femmes allemandes avait été nettement plus intensif durant la Première Guerre mondiale que maintenant ; ils me montrèrent des photos prises dans la même usine de munitions en 1918 et en 1942 ; sur ces photos on voyait les ouvriers quittant l’usine après le travail : en 1918 il y avait une majorité de femmes, maintenant on ne voyait presque plus que des hommes. On me présenta également des illustrations provenant de magazines américains et britanniques, prouvant que, dans toutes les usines d’armement de ces pays, le personnel comprenait une plus grande proportion de femmes que chez nous 14 .
Au début d’avril 1942, je demandai à Sauckel de recruter les femmes allemandes pour l’armement ; il me déclara alors tout net que la question de savoir quels ouvriers il fallait employer, où il fallait les recruter et les affecter ne regardait que lui ; d’ailleurs, en sa qualité de Gauleiter, il n’avait d’ordre à recevoir que de Hitler et de comptes à rendre qu’à lui. Pour finir il me proposa quand même de laisser la décision à Göring, qui était directeur du Plan de quatre ans. La conférence eut lieu une nouvelle fois à Karinhall et Göring se montra visiblement flatté de notre démarche. Témoignant à Sauckel une amabilité extrême, il me traita avec beaucoup de froideur. J’eus beaucoup de mal à exposer mes arguments : Sauckel et Göring me coupaient sans cesse la parole. L’objection essentielle de Sauckel était que le travail en usine risquait de porter préjudice aux femmes allemandes sur le plan moral ; non seulement leur « vie morale et spirituelle » pouvait en souffrir mais aussi leur fécondité. Göring approuva ces arguments avec conviction. Mais, pour être tout à fait sûr de son fait, Sauckel obtint aussi l’accord de Hitler immédiatement après cet entretien, sans que
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