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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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2 200 points, la question de la fission nucléaire n’apparaît qu’une fois, et encore en termes brefs et laconiques. Certes, il lui arrivait de se préoccuper des perspectives que cela ouvrait, mais les renseignements que je lui avais fournis à la suite de ma conversation avec les physiciens l’avaient confirmé dans sa résolution de ne pas suivre l’affaire de plus près. Il est vrai que le professeur Heisenberg ne m’avait pas donné une réponse concluante, quand je lui avais demandé si, après avoir provoqué une fission nucléaire, on pouvait contrôler le phénomène avec une sécurité absolue, ou s’il pouvait se poursuivre sous forme de réaction en chaîne. Apparemment, Hitler n’était guère enchanté à la pensée que, sous son règne, la terre pût être un jour transformée en un astre de feu. Il lui arrivait néanmoins de plaisanter sur les hommes de science qui, disait-il, dans leur désir ingénu de dévoiler tous les secrets de la terre, risquaient de mettre un jour le feu à la planète ; d’ici là, il se passerait certainement beaucoup de temps, poursuivait-il, et il ne serait sûrement plus là pour voir cela.
    Hitler n’aurait pas hésité un instant à utiliser des bombes atomiques contre l’Angleterre, comme je m’en aperçus un soir où, réunis avec lui et Goebbels dans le salon de la Chancellerie à Berlin, nous regardions un film qui avait été réalisé sur le bombardement de Varsovie à l’automne 1939. Sa réaction devant les dernières images de ce film fut révélatrice. Le ciel était obscurci par la fumée des incendies, les bombardiers basculaient et piquaient en direction de leur objectif, larguaient leurs bombes, dont on pouvait suivre la trajectoire, et remontaient ; puis l’explosion dégageait un nuage de fumée qui prenait des proportions gigantesques ; l’intensité du spectacle était décuplée par la concision propre à la technique cinématographique. Hitler était fasciné. Le film se terminait par un montage : on voyait un avion piquer sur un dessin représentant l’île anglaise ; une explosion suivait et l’île déchiquetée volait en morceaux. L’enthousiasme de Hitler ne connut plus de bornes : « Voilà ce qui va leur arriver, s’écria-t-il tout excité, voilà comment nous les anéantirons ! »
    Sur l’avis des spécialistes de physique nucléaire, nous renonçâmes dès l’automne de 1942 à construire la bombe atomique ; en effet, comme je demandais une nouvelle fois quels seraient les délais nécessaires pour la mettre au point, il me fut répondu qu’il fallait compter trois ou quatre ans. L’issue de la guerre serait certainement décidée depuis longtemps. Je donnai alors l’autorisation de construire un réacteur nucléaire dont l’énergie devait servir à actionner des machines auxquelles l’état-major de la marine s’intéressait pour ses sous-marins.
    Lors d’une visite que je fis aux usines Krupp, je demandai à voir les éléments de notre premier cyclotron et m’informai auprès de l’ingénieur responsable des travaux pour savoir si nous ne pourrions pas essayer tout de suite de construire un appareil beaucoup plus grand. Mais il me confirma ce que le professeur Heisenberg m’avait déjà dit : nous n’avions pas une expérience technique suffisante. Pendant l’été 1944, j’assistai pour la première fois, non loin de la clinique de l’université de Heidelberg, à la fission d’un noyau atomique réalisée avec notre premier cyclotron ; répondant à l’une de mes questions, le professeur Walter Bothe m’expliqua que ce cyclotron permettrait de réaliser des progrès en médecine et en biologie. J’en pris mon parti.
    Durant l’été 1943, notre production de munitions à noyau dur connut une période critique, car nous ne pouvions plus importer de wolfram en provenance du Portugal. Pour remédier à cette situation, je donnai l’ordre d’utiliser notre uranium, pour fabriquer le noyau de ce type de munitions 32  . Le déblocage de nos stocks d’uranium, qui se montaient à environ 1 200 tonnes, montre qu’à cette époque-là nous avions renoncé, mes collaborateurs et moi-même, à l’idée de fabriquer des bombes atomiques.
     
    Il aurait peut-être été possible de posséder une bombe atomique opérationnelle en 1945. Mais pour cela il aurait fallu disposer très tôt de tous les moyens techniques et financiers et de tout le personnel nécessaires, c’est-à-dire de

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