Au Coeur Du Troisième Reich
occupants de l’enceinte de sécurité n° 1. A chaque conférence étaient invités deux àquatre de mes experts, suivant les sujets qui devaient être traités. La conférence avait lieu dans une salle du quartier général appelée « Lageraum », située à proximité immédiate des pièces où logeait Hitler : c’était une salle au mobilier sommaire d’environ quatre-vingts mètres carrés, dont les murs étaient lambrissés de bois clair. Devant une grande fenêtre se dressait une lourde table à cartes en chêne, longue de quatre mètres ; dans un coin se trouvait une autre table plus petite, entourée de quatre fauteuils. C’est là que nous prenions place pour la conférence.
Moi-même je me tenais le plus possible sur la réserve lors de ces conférences ; j’ouvrais la séance en indiquant brièvement quel en était l’objet, puis j’invitais l’expert présent à exposer son point de vue. Ni le milieu qui les entourait, la foule des généraux et des aides de camp, les services de garde, les contrôles, les vérifications d’identité, ni l’auréole que tout cet appareil conférait à Hitler n’intimidaient les experts. Ayant derrière eux des années de réussite dans l’exercice de leur profession, ils avaient pleinement conscience du rang qu’ils occupaient et de l’autorité que cela leur conférait. Parfois le ton de la conversation montait, la discussion prenait un tour passionné, car il leur arrivait fréquemment d’oublier à qui ils avaient affaire. Hitler acceptait tout cela avec un humour mêlé de respect ; devant un tel auditoire, il faisait preuve de retenue et témoignait à ceux qui assistaient à ces réunions une singulière courtoisie. En leur présence il renonçait également à sa méthode qui consistait à désarmer toute opposition par des discours si longs qu’ils vous épuisaient et vous réduisaient à l’impuissance. Il était capable de faire la part de l’essentiel et de l’accessoire, faisait preuve de vivacité d’esprit et surprenait par sa promptitude à choisir entre plusieurs possibilités et à justifier son choix. Il se retrouvait sans peine dans les problèmes techniques, les plans, les schémas. Les questions qu’il posait prouvaient qu’il avait compris l’essentiel des problèmes dans le peu de temps qu’il avait fallu pour les exposer, même quand les sujets traités étaient complexes. Il est vrai que cela n’allait pas sans un inconvénient dont il n’avait pas conscience, à savoir qu’il arrivait trop vite au cœur des problèmes pour pouvoir les appréhender tout à fait à fond.
Je ne pouvais jamais prévoir à l’avance quel serait le résultat de ces conférences. Parfois il entérinait sans mot dire un projet dont les chances de succès paraissaient très minces ; d’autres fois il s’opposait obstinément à l’exécution de mesures sans conséquence qu’il avait réclamées lui-même peu de temps auparavant. Toutefois, faire pièce à Hitler et à sa connaissance des détails grâce à des spécialistes qui possédaient des connaissances encore plus étendues, fut une tactique qui me valut plus de succès que d’échecs. Ses autres collaborateurs, étonnés et quelque peu envieux, constatèrent plus d’une fois qu’à la suite de ces conférences techniques, Hitler modifiait son avis, alors même qu’il l’avait qualifié d’irrévocable au cours des conférences militaires précédentes, et qu’il acceptait de notre part des propositions qui s’écartaient de son point de vue primitif 1 .
Il est vrai que, dans le domaine technique, l’horizon de Hitler s’arrêtait à la Première Guerre mondiale, tout comme sa vision du monde, ses conceptions artistiques et sa manière de vivre. Les problèmes techniques auxquels il s’intéressait concernaient uniquement l’armement traditionnel de l’armée de terre et de la marine. En ces domaines, il avait complété sa formation et constamment mis à jour ses connaissances et il proposait assez souvent des innovations convaincantes et réalisables. Mais il montrait peu d’intérêt pour des réalisations telles que le radar, la bombe atomique, les avions à réaction et les fusées. Les rares fois où il vola à bord du Condor, un avion de construction récente, il se montra inquiet à la pensée que le train d’atterrissage escamotable pût tomber en panne. Sceptique, il déclara qu’il préférait malgré tout le vieux Junkers 52, avec son train
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