Au Coeur Du Troisième Reich
moyens sensiblement équivalents à ceux qui étaient consacrés à la construction de la fusée à longue portée. De ce point de vue également, Peenemünde fut non seulement notre plus grand projet, mais aussi celui qui se solda par l’échec le plus grave 33 .
Si, dans le domaine des applications de la science, la « guerre totale » resta un vain mot, cela était dû aussi à des entraves d’ordre idéologique. Hitler tenait en haute estime le physicien Philipp Lenard, qui avait obtenu le prix Nobel en 1920 et était, parmi les premiers partisans de Hitler, l’un des rares à être issu des milieux scientifiques. Lenard avait inculqué à Hitler l’idée que les Juifs exerçaient une influence pernicieuse par l’intermédiaire de la physique nucléaire et de la théorie de la relativité 34 . Devant ses convives, Hitler se réclamait à l’occasion de son illustre compagnon du parti, pour qualifier la physique nucléaire de « physique juive » – expression que Rosenberg reprit à son compte et qui n’encouragea certainement pas le ministre de l’Éducation à soutenir la recherche nucléaire.
Quoi qu’il en soit, même si Hitler n’avait pas appliqué à la recherche atomique les thèses du parti, même si le niveau de la recherche fondamentale en juin 1942 avait permis aux physiciens d’investir non pas plusieurs millions mais plusieurs milliards de marks pour fabriquer des bombes atomiques, il aurait été impossible, vu l’état de surchauffe de notre économie de guerre, de trouver les matières premières, les contingents et le personnel spécialisé correspondant à cette somme. En effet, si les États-Unis purent s’attaquer à cette immense entreprise, ce n’est pas uniquement parce que leur capacité de production était supérieure à la nôtre. Les attaques aériennes de plus en plus fréquentes avaient depuis longtemps plongé l’économie de guerre de l’Allemagne dans une situation sans issue, qui contraria toujours plus sensiblement la réalisation des projets de quelque envergure. Si nous avions pu concentrer et mobiliser au maximum toutes les forces du pays, l’Allemagne aurait pu réaliser une bombe atomique, qui eût peut-être été au point en 1947, mais certainement pas au même moment que la bombe des Américains, en août 1945. Entre-temps, l’épuisement de nos dernières réserves de minerai de chrome aurait mis fin à la guerre au plus tard le 1 e r janvier 1946.
Ainsi, dès le début de mon activité de ministre, je découvris bon nombre de carences qui grevaient notre effort de guerre. « Cette guerre sera perdue par ceux qui commettront les plus grosses erreurs ! » déclara Hitler plus d’une fois pendant la guerre, et cette réflexion paraît aujourd’hui bien singulière. Car cette guerre, que nous aurions perdue de toute façon, étant donné l’insuffisance de notre production, c’est Hitler lui-même qui contribua à en précipiter la fin par toute une série de fautes dont il porte la responsabilité : je citerai par exemplel’incohérence de son plan de guerre aérienne contre l’Angleterre, le manque de sous-marins au début de la guerre, et surtout cette carence qui consistait à n’avoir pas mis au point un plan d’ensemble pour la conduite de la guerre. Les Mémoires rédigés en langue allemande mettent souvent l’accent sur les erreurs capitales que Hitler a commises, et ces observations sont justes. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous aurions pu gagner la guerre.
17.
Hitler commandant en chef
L’un des traits marquants du caractère de Hitler était son dilettantisme. Il n’avait jamais appris un métier, et au fond il est toujours resté un profane. Comme beaucoup d’autodidactes, il n’était pas capable de porter un jugement fondé sur des questions qui demandaient de véritables connaissances techniques. N’ayant pas la notion de la complexité et de la difficulté inhérentes à toutes les grandes tâches, il ne cessa de cumuler insatiablement de nouvelles fonctions. Dégagé de toutes les idées apprises, son esprit, prompt à saisir les choses, lui donna parfois le courage de prendre des mesures peu orthodoxes, dont un spécialiste n’aurait pas eu l’idée. Les succès stratégiques des premières années de la guerre peuvent sans conteste être imputés à son ignorance obstinée des lois de la guerre et à sa détermination de profane. Comme ses adversaires se conformaient à des
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