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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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règles que Hitler, en vertu de son pouvoir incontrôlé d’autodidacte qui ne rend jamais de comptes, ne connaissait ou ne respectait pas, il en résulta des effets de surprise, qui, combinés à notre supériorité militaire, créèrent les premières conditions de ses succès. Mais comme il arrive généralement avec les êtres dépourvus de formation, il courut à sa perte dès que survinrent les premiers revers. Son ignorance des règles du jeu apparut alors comme une incapacité d’un ordre différent, cette carence cessa d’être un avantage. Son incurable dilettantisme se manifesta avec une force et une opiniâtreté toujours plus grandes à mesure que les échecs devenaient plus graves. Sa propension aux décisions inattendues et surprenantes avait longtemps constitué sa force ; désormais elle allait précipiter sa chute.
     
    Toutes les deux ou trois semaines je partais de Berlin pour aller passer quelques jours au quartier général de Hitler, d’abord situé en Prusse-Orientale, puis plus tard en Ukraine ; il s’agissait pour moi de lui demander de se prononcer sur de nombreux points de détail relatifs aux problèmes techniques auxquels il s’intéressait en tant que commandant en chef de l’armée. Hitler connaissait tous les types d’armes et de munitions, les calibres, la longueur des canons, les portées de tir, il avait en tête sur les matériels les plus importants non seulement le montant des stocks, mais aussi les chiffres de la production mensuelle. Il était capable de confronter jusque dans le détail nos livraisons avec nos programmes et d’en tirer des conclusions.
    Dans le domaine de l’armement, comme jadis dans celui de la construction automobile ou de l’architecture, Hitler, pour se faire valoir, aimait citer des chiffres, la joie naïve qu’il en éprouvait montrait que, là encore, il travaillait en dilettante. Il semblait perpétuellement préoccupé de prouver qu’il était l’égal des spécialistes, voire supérieur à eux. Le véritable spécialiste est celui qui est assez avisé pour ne pas encombrer sa mémoire de détails, qu’il peut rechercher ou se faire fournir par un adjoint. Hitler, lui, avait besoin d’étaler ses connaissances, c’était pour lui non seulement une nécessité vis-à-vis de lui-même, mais aussi une joie.
    Il puisait ses renseignements dans un grand livre dont la reliure rouge était traversée par une large bande jaune. Dans ce catalogue, constamment remis à jour, étaient répertoriés trente à cinquante types de munitions et d’armes différents ; le livre se trouvait en permanence sur sa table de nuit. Parfois Hitler ordonnait à son domestique d’aller le chercher, quand, au cours d’une conférence militaire, un de ses collaborateurs avait cité un chiffre que Hitler avait rectifié aussitôt. On ouvrait le livre, les indications de Hitler étaient vérifiées l’une après l’autre, l’ignorance d’un général mise en évidence. La mémoire des chiffres de Hitler était la terreur de son entourage.
    Certes, Hitler pouvait de cette manière intimider la majorité des officiers qui l’entouraient. Inversement, il était moins sûr de lui quand il avait affaire à un véritable spécialiste. Il ne cherchait même pas à maintenir son point de vue dès qu’il se heurtait à l’opposition d’un expert.
    Todt, mon prédécesseur, se faisait accompagner de temps à autre par deux de ses adjoints les plus proches, Xaver Dorsch et Karl Saur ; à l’occasion il amenait aussi un de ses experts. Mais, il tenait beaucoup à exposer les questions lui-même et à ne faire intervenir ses collaborateurs que pour des points de détail épineux. Pour ma part, dès les premiers temps, je ne me donnai même pas la peine de retenir par cœur des chiffres que Hitler connaissait de toute façon mieux que moi. Mettant à profit le respect qu’inspiraient à Hitler les spécialistes, je me fis accompagner, chaque fois que j’étais convié à une conférence, de tous les techniciens compétents, ceux qui connaissaient le mieux les diverses questions à débattre.
    De cette manière j’étais délivré de la perspective de voir fondre sur moi une nouvelle avalanche de chiffres et de caractéristiques techniques, ce qui constituait le cauchemar de toute « conférence avec le Führer ». J’arrivais régulièrement avec une vingtaine de civils au quartier général. Cette invasion de l’équipe Speer ne tarda pas à amuser les

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