Au Coeur Du Troisième Reich
présenter les mêmes symptômes que le surentraînement, comme j’ai pu l’observer sur moi-même au cours de ces éprouvantes années de guerre : l’esprit perd de sa réceptivité, de sa fraîcheur et de sa vivacité, son pouvoir de décision s’émousse, mais il continue à travailler comme une machine.
La nuit du 3 septembre 1939, Hitler avait quitté la Chancellerie du Reich plongée dans le silence et l’obscurité, pour aller s’établir au front : ce départ s’avéra l’un des premiers symptômes de son attitude future. Sa relation avec le peuple avait changé. Et même s’il eut encore quelques occasions, à des mois de distance, de retrouver le contact des masses, leur enthousiasme et leur ferveur s’étaient évanouis, tout comme son propre pouvoir de subjuguer les hommes par la fascination qu’il exerçait.
Au début des années 30, au temps des derniers combats pour la conquête du pouvoir, Hitler avait puisé dans ses ressources au moins autant qu’il le fit pendant la deuxième moitié de la guerre. A l’époque, dans ses moments d’épuisement, les meetings qu’il organisait lui insufflaient probablement plus de tonus et de courage qu’il n’était lui-même censé en inspirer à ses auditeurs. Même au cours des années 1933 à 1939, lorsque la position à laquelle il s’était élevé lui permit de mener une vie moins trépidante, la procession des admirateurs enthousiastes qui défilaient journellement devant lui à l’Obersalzberg était visiblement pour lui une source de réconfort. Les manifestations auxquelles il participait avant la guerre constituaient pour Hitler un stimulant qui faisait partie de sa vie. Il devenait alors plus résolu et plus sûr de lui que jamais.
Le cercle des intimes qui l’entouraient au quartier général, ses secrétaires, ses médecins et ses aides de camp, était encore moins stimulant, si cela est possible, que la cour qui gravitait autour de lui avant la guerre à l’Obersalzberg ou à la Chancellerie du Reich. Ce n’était plus le même public d’auditeurs fervents et presque incapables de maîtriser leurs transports d’enthousiasme. Hitler, quand on le fréquentait quotidiennement, descendait de son piédestal, je m’en étais déjà aperçu au temps où nous faisions de beaux rêves devant nos projets de constructions, le demi-dieu dépeint par Goebbels devenait un homme comme les autres, avec les besoins et les faiblesses de tout être humain, même si son autorité restait intacte.
La présence des militaires qui entouraient Hitler ne pouvait être, elle aussi, qu’une source de fatigue. En effet, au quartier général le ton objectif était de règle et toute admiration intempestive aurait paru déplacée. Les officiers apparaissaient au contraire comme des hommes froidement réalistes et, même si cela n’avait pas été le cas, ils montraient cette retenue et ce sens de l’étiquette qui étaient les marques de leur éducation. L’attitude obséquieuse de Göring et de Keitel n’en prenait que plus de relief, mais elle était dénuée de tout accent de sincérité et Hitler lui-même n’incitait pas les militaires de son entourage à la servilité.
Hitler ne tolérait pas qu’on critique sa manière de vivre. Malgré les soucis que cela leur causait, les personnes de son entourage direct furent bien obligées de s’en accommoder. Il évitait toutes les conversations de caractère personnel qui l’importunaient de plus en plus, seuls quelques-uns de ses vieux compagnons de lutte, comme Goebbels, Ley ou Esser, pouvaient encore, en de rares occasions, avoir avec lui des entretiens à cœur ouvert. Mais le ton qu’il employait avec moi ou d’autres était impersonnel et distant. Les jours où Hitler, commeautrefois, prenait ses décisions avec entrain et spontanéité, où il prêtait une oreille attentive aux arguments qu’on lui opposait, ces jours-là nous étions si surpris qu’ensuite tout le monde se signalait l’événement.
Pour ouvrir un peu le quartier général à l’état d’esprit qui régnait à l’extérieur et renouveler l’atmosphère confinée et étouffante qui y régnait, nous eûmes l’idée, Schmundt et moi, d’introduire auprès de Hitler de jeunes officiers du front. Mais cette tentative fut un échec. D’une part Hitler n’avait pas grande envie de consacrer à ces visites le peu de temps dont il disposait, d’autre part nous dûmes reconnaître que notre initiative
Weitere Kostenlose Bücher