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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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aisément, Hitler n’avait pas non plus envie d’entamer ces sujets. Seul Bormann détenait le privilège de pouvoir y faire allusion. Parfois aussi les lettres d’Eva Braun donnaient lieu à des explosions de colère ; par exemple quand elle relatait des faits qui illustraient de manière flagrante l’esprit borné des fonctionnaires de l’administration. Lorsque, au beau milieu de l’hiver, les Munichois se virent interdire la pratique du ski dans les montagnes, Hitler entra dans une fureur extraordinaire et se répandit en tirades interminables sur le combat qu’il menait depuis toujours sans succès contre la stupidité de la bureaucratie. Pour finir c’était Bormann qui était chargé de s’occuper de ces affaires-là.
    La médiocrité des sujets traités au cours de ces conversations prouvait que le niveau des préoccupations de Hitler était devenu absolument désolant. Par ailleurs les bagatelles dont il était question contribuaient en un certain sens à lui procurer une détente, parce qu’elles le ramenaient à une échelle où il avait encore le pouvoir de décider. Les mesures qu’il prenait alors lui faisaient oublier pour un temps l’impuissance où il était réduit,maintenant que c’était à l’ennemi de fixer le déroulement des opérations et que ses ordres militaires n’étaient plus suivis du succès escompté.
    En dépit de toutes ses tentatives pour se dérober devant la réalité, Hitler ne pouvait pas, même au milieu de ce cercle, échapper à la conscience de sa situation. Il aimait alors entonner une fois de plus sa vieille lamentation et gémir qu’il n’était devenu homme politique qu’à son corps défendant, qu’au fond il était un architecte qui n’avait pu se réaliser, que ce qui l’avait empêché de faire carrière comme architecte était que seule la situation de maître d’ouvrage et d’homme d’État pouvait lui permettre de réaliser les œuvres qui lui auraient convenu à lui. Son penchant à s’apitoyer sur lui-même se manifestait maintenant avec une force croissante et il avait coutume de dire qu’il ne souhaitait qu’une chose : « Dès que ce sera possible je remiserai ma veste grise 3  . Quand j’aurai terminé la guerre et remporté la victoire, j’aurai accompli la tâche de ma vie et je me retirerai à Linz pour finir mes jours dans ma maison au-dessus du Danube. C’est mon successeur qui se débattra avec tous les problèmes. » Certes il avait déjà exprimé des intentions analogues avant la guerre, quand on prenait le thé à l’Obersalzberg, dans une atmosphère moins tendue. Mais à cette époque-là il disait probablement cela par coquetterie. Maintenant il en parlait sans aucun pathos, sur le ton de la conversation ordinaire, avec l’accent amer de la sincérité.
    L’intérêt qu’il portait aux plans de la ville où il voulait se retirer ne faiblissait pas et prit peu à peu l’aspect d’un désir d’évasion. Dans les dernières années de guerre, l’architecte de Linz, Hermann Giessler, fut convoqué de plus en plus fréquemment au quartier général, afin de présenter ses projets ; en revanche Hitler ne réclamait pratiquement plus les projets envisagés pour Hambourg, Berlin, Nuremberg ou Munich, alors qu’ils lui avaient tant tenu à cœur dans le passé. Il disait alors d’un ton las que la mort ne pourrait être qu’une délivrance, quand il pensait aux souffrances qu’il devait maintenant endurer. Un détail est symptomatique de cette humeur : lorsqu’il examinait les projets de Linz, il revenait toujours sur les plans de son tombeau, dont la construction était prévue dans l’une des tours du bâtiment du parti à Linz. Ce geste montrait clairement qu’il ne voulait pas, même si la victoire venait couronner la guerre, reposer avec ses maréchaux dans le Mémorial du Soldat à Berlin.
    Hitler donnait fréquemment, au cours de ces conversations nocturnes au quartier général d’Ukraine ou de Prusse-Orientale, l’impression d’un être qui a perdu son équilibre. Quant à nous, les invités, nous sentions, aux premières heures du matin, la fatigue peser sur nous comme du plomb. Nous n’assistions à ces réunions que par politesse et par devoir car, après les séances de travail harassantes de la journée, c’est à peine si, durant ces conversations monotones, nous pouvions garder les yeux ouverts. Avant l’arrivée de Hitler, il arrivait que quelqu’un demande : « Où peut bien

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