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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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contraire, on était, comme dans un cabinet des miroirs, entouré par l’image cent fois réfléchie de ses propres illusions, par la vision cent fois confirmée d’un monde imaginaire et fantasmagorique qui n’avait plus rien de commun avec la sombre réalité du monde extérieur. Je ne pouvais contempler, dans tous ces miroirs, que le reflet, toujours répété, de mon propre visage, aucune image étrangère ne venait rompre l’uniformité de ces reproductions, toutes identiques, de mon propre visage.
    Cette fuite devant la réalité n’était pas la même chez tous, elle était plus ou moins prononcée. Goebbels s’aveuglait beaucoup moins que, par exemple, Göring ou Ley. Mais ces différences paraissaient minimes si l’on songe à la distance qui nous séparait tous, les songe-creux et les prétendus réalistes, des événements réels.

21.
    Hitler à l’automne 1943
    Ses collaborateurs de longue date et ses aides de camp s’accordaient à dire que, depuis un an, un changement s’était opéré dans la personne de Hitler. Cela ne saurait étonner, si l’on songe que pendant cette période il avait connu Stalingrad, assisté, impuissant, à la capitulation de plus de 250 000 soldats à Tunis, et vu l’ennemi anéantir des villes allemandes sans rencontrer d’opposition notable. En même temps il avait dû faire son deuil de l’un des plus grands espoirs de sa stratégie, le jour où il avait approuvé la décision de la marine de retirer ses sous-marins de l’Atlantique. Que Hitler ait été capable de reconnaître que le vent avait tourné, cela ne fait aucun doute. Mais il est non moins certain que sa façon de réagir fut celle d’un être humain : déception, découragement, optimisme de plus en plus forcé. Pour l’historien, Hitler peut bien être devenu l’objet d’études froidement objectives ; pour moi il reste aujourd’hui encore un être de chair et de sang, il garde toute la réalité d’une personne qui a existé.
    Durant toute une période, à peu près entre le printemps 1942 et l’été 1943, il eut des moments de dépression. Mais ensuite une étrange mutation sembla s’opérer en lui. Désormais sa foi dans la victoire finale ne le quitta pratiquement plus, même dans les situations désespérées. En cette dernière période de sa vie, c’est à peine si je me rappelle l’avoir entendu une fois déplorer la tournure catastrophique que prenaient les événements, comme je m’y serais attendu. Est-ce parce qu’il avait nourri si longtemps la conviction qu’il remporterait une victoire définitive qu’il le croyait si fermement ? Toujours est-il que plus la catastrophe vers laquelle nous étions entraînés semblait inéluctable, plus il devenait inébranlable et plus irréductible sa certitude que toutes ses décisions étaient justes. Son entourage immédiat le vit non sans inquiétude devenir de plus en plus intraitable. Il se retranchait dans un isolement volontaire pour prendre ses décisions. En même temps il faisait preuve d’une rigidité intellectuelle croissante et répugnait de plus en plus à élaborer de nouveaux projets. Il était en quelque sorte engagé sur une voie tracée une fois pour toutes et ne trouvait plus la force d’en changer.
    La cause essentielle de cette sclérose était l’emprise implacable qu’exerçaient sur lui ses ennemis grâce à la supériorité de leurs forces. En janvier 1943, ils s’étaient mis d’accord pour réclamer la capitulation sans condition de l’Allemagne. Il est probable que Hitler fut le seul à ne se faire aucune illusion sur le sérieux de cette déclaration. Goebbels, Göring et d’autres, dans leurs conversations, jouaient avec l’idée d’exploiter les dissensions politiques qui pouvaient se faire jour chez les alliés. D’autres encore espéraient que Hitler trouverait des solutions politiques pour parer au moins aux répercussions de ses revers militaires. N’avait-il pas autrefois, depuis l’occupation de l’Autriche jusqu’au pacte avec l’Union soviétique, inventé, apparemment en se jouant, de nouveaux artifices, de nouveaux tours, de nouvelles astuces ? Maintenant il disait de plus en plus fréquemment durant les conférences d’état-major : « Ne vous faites pas d’illusions. Nous ne pouvons plus faire marche arrière, nous ne pouvons qu’aller de l’avant. Derrière nous les ponts sont coupés. » Ces paroles, par lesquelles Hitler refusait même à son gouvernement

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