Au Coeur Du Troisième Reich
avait eu des résultats plutôt malheureux. Un jeune officier des blindés, relatant la percée sur le Terek, raconta que son unité n’avait rencontré presque aucune résistance et que seul le manque de munitions l’avait contraint à stopper sa progression. Hitler en fut si irrité que, plusieurs jours après cette discussion, il ne cessait de revenir sur ce sujet : « Voilà ce que c’est ! Il n’y a pas assez de munitions pour les 75 ! Où en est la production ? Il faut immédiatement mettre tout en œuvre pour l’augmenter ! » En fait, dans les limites de nos modestes moyens, nous avions suffisamment d’obus de ce type, mais la progression avait été si rapide que l’approvisionnement n’avait pu suivre à cause de l’étirement des communications. Mais Hitler refusa de prendre cet argument en considération.
D’autres incidents fâcheux dont lui avaient parlé ces jeunes officiers venus du front lui firent immédiatement conclure que l’état-major général était coupable de graves défaillances. En réalité la plupart des difficultés étaient dues à l’allure excessive imposée par Hitler à la progression des troupes. Mais il était impossible aux experts d’en discuter avec lui, car il n’avait pas une connaissance suffisante des moyens complexes que suppose une telle percée.
Certes Hitler recevait encore, de loin en loin, les officiers et les soldats auxquels il décernait de hautes distinctions militaires. Comme il se défiait des capacités de son état-major, il régnait souvent à la suite de ces visites beaucoup d’agitation, et les ordres de portée générale pleuvaient. Pour prévenir tout cela, Keitel et Schmundt essayaient dans la mesure du possible de voir les visiteurs avant et de neutraliser le danger.
Le thé du soir, auquel étaient invités, même au quartier général, les proches de Hitler, avait été au fil des jours remis à une heure toujours plus tardive : il commençait vers deux heures du matin et se terminait à trois où quatre heures. Hitler avait aussi retardé le moment où il allait se coucher et il se mettait au lit au petit matin, ce qui me fit dire un jour : « Si la guerre dure encore longtemps, nous pourrons au moins suivre l’horaire normal d’un homme matinal et le thé du soir de Hitler sera notre thé du matin. »
Il est certain que Hitler souffrait d’insomnies. Il disait qu’il n’arrivait pas à fermer l’œil, quand il allait se coucher tôt. Souvent, à l’heure du thé, il se plaignait de n’avoir pu s’endormir la veille que dans la matinée après avoir cherché le sommeil pendant des heures.
Seuls étaient invités les intimes de Hitler, c’est-à-dire ses médecins, ses secrétaires, ses aides de camp militaires et ses adjoints civils, l’ambassadeur Hewel, le représentant du chef du service de presse, parfois aussi sa cuisinière végétarienne originaire de Vienne, ou un visiteur, dans la mesure où il comptait parmi les proches de Hitler, et enfin l’inévitable Bormann. Moi-même j’étais toujours le bienvenu. Nous nous tenions dans la salle à manger de Hitler, assis sur des fauteuils inconfortables, mal à l’aise. Hitler aimait toujours, à cette heure-là, que règne une atmosphère « sympathique », et il faisait allumer si possible du feu dans la cheminée. Il servait lui-même, avec une galanterie appuyée, du gâteau à ses secrétaires et se mettait en frais pour ses invités qu’il traitait avec amabilité et simplicité ; il s’évertuait à créer une chaude atmosphère cordiale dont il goûterait, en retour, le réconfort, mais ses efforts étaient d’emblée voués à l’échec : il me faisait pitié.
La musique n’étant pas prisée au quartier général, il ne restait que la conversation, qu’il était pratiquement le seul à animer. Ses plaisanteries, connues depuis longtemps, étaient certes accueillies par des rires, comme si on les avait entendues pour la première fois. Les dures années de sa jeunesse et le « temps des combats » fournissaient la matière de récits que l’on écoutait religieusement, comme s’il les faisait pour la première fois ; mais par elle-même l’assistance ne pouvait guère contribuer à animer la conversation. Car une convention tacite présidait à ces réunions : il fallait éviter d’évoquer les événements du front et les affaires politiques, comme de critiquer les personnages haut placés. Comme on le comprendra
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