Au Coeur Du Troisième Reich
lorsqu’on était ministre, entraînait des difficultés qui donnaient à réfléchir. Hitler avait trop souvent justifié l’élimination d’un homme politique de premier plan en arguant de son mauvais état de santé. Aussi dressait-on l’oreille lorsqu’un des proches collaborateurs de Hitler « tombait malade ». Étant réellement malade, il me parut indiqué de rester le plus possible actif. En outre je ne pouvais pas abandonner mon appareil ministériel car, tout comme Hitler, j’étais irremplaçable. Malgré tous les efforts prodigués par mon entourage pour me permettre de me reposer, il n’était pas rare que je poursuive jusqu’à minuit, depuis mon lit, les conférences, les appels téléphoniques et les séances de dictée.
J’étais à peine arrivé à l’hôpital que Bohr, mon directeur du personnel, qui venait tout juste d’être nommé, m’appela, indigné, au sujet d’une armoire de dossiers qui se trouvait dans mon bureau. Dorsch avait donné l’ordre de faire transporter immédiatement cette armoire à la centrale de l’organisation Todt. Je donnai l’ordre de laisser cette armoire à l’endroit où elle se trouvait, quel que fût cet endroit. Quelques jours plus tard, des représentants du Gauleiter de Berlin se présentèrent, accompagnés de plusieurs déménageurs. D’après le rapport de Bohr, ils avaient mission d’emporter l’armoire, car elle était, ainsi que son contenu, propriété du parti. Bohr ne savait à quel saint se vouer. Il ne réussit à différer l’action en cours qu’en téléphonant à Naumann, l’un des collaborateurs immédiats de Goebbels : l’armoire fut scellée par les fonctionnaires du parti. Là-dessus je fis dévisser le fond de l’armoire, car seule la porte avait été scellée. Le lendemain Bohr arriva avec une liasse de dossiers photocopiés : ces dossiers concernaient un certain nombre de mes anciens collaborateurs, qui étaient l’objet d’appréciations presque entièrement négatives. La plupart du temps ils étaient accusés d’adopter une attitude hostile au parti, parfois même on exigeait qu’ils soient placés sous la surveillance de la Gestapo. J’appris en même temps que le parti employait dans mon ministère un homme de confiance : Xaver Dorsch. Le fait lui-même me surprit moins que la personne.
Depuis l’automne, j’avais tenté de faciliter l’avancement d’un fonctionnaire de mon ministère. Mais il n’avait pas l’heur de plaire à la clique qui s’était formée récemment dans mon ministère. Mon premier directeur du personnel avait eu recours à toutes sortes d’échappatoires jusqu’à ce que je le contraigne finalement à présenter la proposition d’avancement. Peu avant ma maladie, Bormann m’avait adressé une fin de non-recevoir sèche et dépourvue d’aménité. Or nous retrouvâmes le projet de cette lettre de Bormann dans les dossiers contenus dans l’armoire secrète, projet inspiré et rédigé, ainsi que le prouvaient ces documents, par Dorsch et mon ancien directeur du personnel, Haasemann. Ce projet avait été repris textuellement par Bormann dans la lettre qu’il m’avait adressée 2 . Je téléphonai à Goebbels depuis mon lit d’hôpital : comme il était le Gauleiter de Berlin, les membres du parti chargés de mission dans les ministères de Berlin étaient placés sous ses ordres. Sans hésiter, il donna son accord à la nomination à ce poste de Frank, mon collaborateur de longue date : « L’exercice d’un gouvernement parallèle constitue un état de fait insupportable. Actuellement tous les ministres sont membres du parti. De deux choses l’une : ou nous avons confiance en eux ou il leur faut se démettre ! » J’ignorais cependant toujours quels étaient les hommes de confiance que la Gestapo employait dans mon ministère.
Les tentatives que je fis pour maintenir ma position pendant ma maladie se révélèrent plus difficiles encore. Je dus prier Klopfer, le secrétaire d’État de Bormann, de rappeler aux services du parti les limites de leur activité ; je lui demandai surtout de ne pas causer de difficultés aux industriels. Les conseillers économiques des Gaue s’étaient arrogé dès le début de ma maladie des attributions qui concernaient mon activité dans ce qu’elle avait d’essentiel. J’invitai Funk et son collaborateur Ohlendorf, qui lui avait été prêté par Himmler, à adopter une attitude positive à l’égard du monde de
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