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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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divergences de vues objectives, la prise de conscience de ma propre valeur, après des années où ma faculté de juger avait été troublée et brouillée par le pouvoir magique de Hitler. Entreprendre actuellement de telles constructions, déclarai-je dans cette lettre, relevait de la pure illusion, car « nous ne pourrons que difficilement faire face aux besoins les plus élémentaires de la population allemande laborieuse et des travailleurs étrangers que nous devons mettre à l’abri, tout en reconstruisant nos usines d’armement. Je n’ai plus la possibilité d’envisager de construire à longue échéance… au contraire je dois sans cesse fermer des usines d’armement en cours de construction, pour garantir dans les mois suivants les conditions minimales nécessaires au maintien de la production allemande d’armement ».
    A la suite de cet exposé de divergences d’opinion objectives, je reprochai à Hitler de ne pas avoir conservé une attitude correcte : « Déjà lorsque j’étais votre architecte, j’ai toujours tendu à laisser mes collaborateurs travailler en toute indépendance. Certes ce principe m’a valu souvent d’être gravement déçu ; car tout le monde ne supporte pas d’être ainsi mis en valeur aux yeux de l’opinion publique et plus d’un m’a été infidèle après avoir acquis un succès suffisant. » Il ne devait pas être difficile à Hitler de conclure de cette phrase que je pensais à Dorsch. Non sans un ton de reproche, je continuais : « Cela ne m’empêchera pas à l’avenir de continuer à agir selon ce principe. Ce principe est à mon avis le seul avec lequel, plus la situation du collaborateur est élevée, on puisse gouverner et créer. » La construction et l’armement constituaient selon moi, au stade actuel, un tout indissociable ; Dorsch pouvait continuer sans inconvénient à rester compétent pour les constructions dans les territoires occupés, mais je voulais confier à Willi Henne, un ancien collaborateur de Todt, la direction de ce travail pour l’Allemagne elle-même ; tous les deux devraient envisager leur travail sous la direction d’un collaborateur loyal, Walter Brugmann  12  . Cela ne donna rien ; cinq semaines plus tard, le 26 mai 1944, Brugmann trouva la mort, comme mon prédécesseur Todt, dans un accident d’avion non expliqué.
    La lettre fut remise à Hitler la veille de son anniversaire par mon vieux collaborateur Frank. J’avais joint à ce document une demande de démission pour le cas où Hitler ne pourrait être de mon avis. Ainsi que je l’appris de source autorisée, par la secrétaire en chef de Hitler, Johanna Wolf, Hitler se montra particulièrement irrité par ma lettre et déclara entre autres : « Speer doit savoir qu’il existe une raison d’État pour lui aussi. »
    Six semaines auparavant déjà, il avait formulé la même idée lorsque j’avais arrêté provisoirement la construction de bunkers destinés aux personnalités du régime, construction qu’il avait lui-même ordonnée, parce qu’il fallait réparer les dégâts causés par un bombardement. Selon toute vraisemblance, il avait acquis la conviction que je me soumettais à ses ordres dans la mesure où ils me convenaient ; toujours est-il qu’il se servit de ce prétexte pour exprimer son mécontentement. Il avait alors chargé Bormann de me faire savoir expressément, sans tenir compte de ma maladie, que « les ordres du Führer devaient être exécutés par tout Allemand et qu’ils ne pouvaient en aucun cas être abrogés, suspendus ou différés ». En même temps, Hitler menaçait « de faire arrêter sur-le-champ par la Gestapo le fonctionnaire qui aurait contrevenu aux ordres du Führer, et de le faire transférer dans un camp de concentration 13   ».
    A peine avais-je pris connaissance, toujours indirectement, de la réaction de Hitler, que Göring m’appela au téléphone depuis l’Obersalzberg : il avait entendu parler de mon intention de me retirer, mais il était chargé en haut lieu de m’informer que seul le Führer était habilité à constater quand un ministre pouvait quitter son service. La conversation se poursuivit, animée, pendant une demi-heure, avant que nous tombions d’accord sur un projet de compromis. « Au lieu de démissionner, je vais prolonger ma maladie et disparaître sans dire mot en tant que ministre. » Göring m’approuva presque avec enthousiasme : « Voilà la solution ! Voilà

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