Au Coeur Du Troisième Reich
un coup des services d’espionnage ennemis, affirma Hitler, destiné à l’attirer loin du véritable lieu de l’invasion et à l’inciter à engager ses troupes prématurément et mal à propos. Induit en erreur par une information exacte, il repoussa sa première conception, qui était juste à l’origine, et selon laquelle la côte normande était vraisemblablement destinée à servir de front à l’invasion.
Au cours des semaines précédentes, on avait communiqué à Hitler des prévisions contradictoires sur le moment et le lieu de l’invasion ; elles émanaient des services de renseignements de la SS, de la Wehrmacht et du ministère des Affaires étrangères. Comme dans beaucoup d’autres domaines, Hitler s’était chargé de la tâche, déjà difficile pour des spécialistes, d’apprécier laquelle de ces nouvelles était exacte, quel service de renseignements méritait le plus qu’on lui fît confiance et lequel s’était le plus profondément immiscé chez l’ennemi. Maintenant il se moquait même de l’incapacité des différents services et, renchérissant sur lui-même, finissait par ironiser sur la stupidité des services de renseignements en général : « Vous n’imaginez pas combien d’agents irréprochables sont payés par les alliés ! Ils nous livrent alors des nouvelles destinées à semer la confusion. Je ne vais pas transmettre tout cela tel quel à Paris. Il faut arrêter tout cela. Ces nouvelles ne font que rendre nerveux nos états-majors. »
Ce n’est que vers midi que fut tranchée la question la plus urgente de cette journée : on décida d’engager contre la tête de pont anglo-américaine la « réserve O.K.W. » stationnée en France, car Hitler s’était réservé la décision concernant le transfert de toute division. Dans le cas présent, il avait fini par accéder de mauvaise grâce à la demande du commandant en chef du front occidental, le Feldmarschall von Rundstedt, qui le pressait de libérer ces divisions pour qu’elles puissent être engagées dans la bataille. A la suite de ces tergiversations, deux divisions blindées ne purent plus profiter de la nuit du 6 au 7 juin pour progresser ; de jour, leur déploiement fut gêné par les bombardiers ennemis et, avant même d’avoir pu établir le contact avec l’ennemi, elles subirent de fortes pertes en hommes et en matériel.
Cette journée décisive pour l’évolution de la guerre ne se déroula pas comme on aurait pu s’y attendre dans une atmosphère d’agitation fébrile. Hitler s’efforçait de garder son calme, surtout dans les situations les plus dramatiques, et son état-major copiait cette maîtrise de soi. Montrer de la nervosité ou de l’inquiétude aurait constitué un manquement au ton en usage au Berghof.
Même pendant les jours et les semaines qui suivirent, Hitler, prisonnier de sa méfiance caractéristique mais de plus en plus absurde, continua à être convaincu qu’il ne s’agissait que d’une invasion de diversion, uniquement destinée à lui faire commettre des erreurs dans la disposition de ses forces de défense. A son avis, la véritable invasion se produirait à un tout autre emplacement qui serait, lui, dégarni de troupes. La marine jugeait également le rivage impraticable pour de grandes opérations de débarquement. Hitler attendit pendant un temps l’attaque décisive dans la région de Calais, comme s’il exigeait également de son ennemi qu’il lui donnât raison : car, dès 1942, il avait fait installer dans cette région des canons de marine de très gros calibre sous des protections de béton de plusieurs mètres d’épaisseur destinés à anéantir toute flotte de débarquement ennemie. C’est la raison pour laquelle il n’engagea pas la XV e armée stationnée près de Calais dans le champ de bataille de la côte normande 17 .
Une autre raison poussait Hitler à prévoir une attaque dans le Pas-de-Calais. Cinquante-cinq bases avaient été installées, d’où chaque jour quelques centaines de V 1 devaient être envoyés sur l’Angleterre. Hitler supposait que la véritable invasion devrait nécessairement être dirigée en premier lieu contre ces bases de lancement. D’une manière ou d’une autre, il ne voulait pas concéder que les Alliés pourraient prendre ces territoires français en partant de la Normandie. Il escomptait plutôt pouvoir réduire la tête de pont ennemie au cours de combats difficiles.
Hitler et nous
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