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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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contenance ne fût-ce qu’une seule fois. Cette maîtrise de soi constitua jusqu’à la fin un extraordinaire prodige de volonté, une victoire arrachée à soi-même malgré l’âge, la maladie, les expériences de Morell et les charges qui pesaient sans cesse plus lourd. J’eus souvent l’impression qu’il avait cette volonté effrénée et farouche d’un enfant de six ans que rien ne peut décourager ni même lasser. Mais pour ridicule qu’elle fût dans une certaine mesure, elle n’en inspirait pas moins le respect.
    Il est cependant impossible d’expliquer sa certitude de la victoire, phénomène étonnant dans une période de défaites continuelles, uniquement par son énergie. Pendant notre détention à Spandau, Funk me confia qu’il ne pouvait abuser les médecins sur son état de santé avec tant d’opiniâtreté et de crédibilité que parce qu’il croyait à ses propres mensonges. Il ajouta que cette thèse avait été le fondement de la propagande de Goebbels. Je ne puis m’expliquer l’attitude figée de Hitler que par ses efforts pour s’autosuggestionner sur la victoire finale. En un certain sens, il s’adorait lui-même. Il était dans la contemplation perpétuelle d’un miroir, où il voyait non seulement sa propre image mais aussi la confirmation de sa mission par des signes de la Providence. Sa religion était ce « grand hasard » qui ne pouvait manquer de le sauver, sa méthode une affirmation de soi par autosuggestion. Plus il était acculé par les événements, plus sa confiance dans le destin en était raffermie. Naturellement il ne se faisait aucune illusion sur les événements militaires ; mais il les transposait dans le domaine de sa foi et voyait même dans la défaite une conjoncture créée par la Providence, secret prélude à la victoire imminente. Parfois il pouvait saisir le caractère désespéré d’une situation donnée, mais il restait inébranlable dans son attente d’un retournement qu’au dernier moment susciterait pour lui le destin. S’il y avait en Hitler quelque chose de pathologique, c’était bien cette foi inébranlable en sa bonne étoile. Il était le type même du croyant, mais sa faculté de croire avait dégénéré en cette foi en lui-même  19  .
     
    La foi qui possédait Hitler ne restait pas sans effet sur son entourage. J’étais en partie conscient que tout devait maintenant aller à sa fin. Pourtant je parlais souvent, tout en me limitant à mon ressort, du « rétablissement de la situation ». Cette confiance subsistait, curieusement séparée dans mon esprit de l’analyse qui me poussait à comprendre que la défaite était inévitable.
    Le 24 juin 1944, lors d’un congrès consacré aux problèmes de l’armement, réuni à Linz au plus fort de la triple catastrophe militaire dont il a été question, je tentai de redonner confiance à mes auditeurs. Ce fut un fiasco assez net. En relisant aujourd’hui mon discours, je suis effrayé de la témérité folle et presque grotesque de ma tentative de convaincre des personnes sérieuses qu’un effort ultime pouvait encore entraîner le succès. A la fin de mon exposé, j’avais dit ma conviction que dans notre domaine nous surmonterions la crise imminente et que nous atteindrions l’année suivante une progression aussi nette que celle de l’année précédente. Ma propre conviction m’avait porté tout au cours de ce discours improvisé. J’exprimais des espoirs qui devaient faire l’effet de chimères à la lumière de la réalité. Les faits devaient prouver que nous pouvions connaître dans les mois suivants une nouvelle progression dans notre production d’armements. Mais ne faisais-je pas preuve deplus de réalisme lorsque j’annonçais à Hitler, dans une série de mémoires, la fin imminente ? Ceci était la vision réelle des faits, cela la foi. La démarcation totale qui séparait ces deux attitudes était révélatrice de l’espèce de trouble mental avec lequel chacun des membres de l’entourage de Hitler voyait venir la fin inéluctable.
    Dans la phrase que je prononçai en conclusion de mon discours, se fit jour à nouveau l’idée d’une responsabilité transcendant ma loyauté personnelle à l’égard de Hitler ou de mes collaborateurs. Cette phrase semblait être un poncif assez gratuit, mais en fait j’attachais beaucoup d’importance à cette déclaration : « Nous continuerons à faire notre devoir afin que le peuple allemand soit

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