Au Coeur Du Troisième Reich
abritée, des rampes de débarquement et d’autres installations qui leur permirent d’assurer l’approvisionnement en munitions, engins, ravitaillement et l’acheminement des renforts 16 . Tout le plan de défense fut ainsi rendu caduc.
Rommel, qui avait été nommé à la fin de 1943 inspecteur de la défense des côtes à l’ouest, montra plus de prévoyance. Peu de temps après sa nomination, Hitler l’avait prié de venir le voir dans son quartier général en Prusse-Orientale. Après un long entretien, il avait raccompagné le Feldmarschall devant son bunker où je l’attendais déjà, devant être le prochain interlocuteur. La discussion sembla devoir reprendre lorsque Rommel déclara sans ambages à Hitler : « Nous devons arrêter l’ennemi dès le premier débarquement. Les bunkers disposés autour des ports ne se prêtent pas à ce genre d’opérations. Seuls des barrages et des obstacles grossiers mais efficaces, disposés tout au long de la côte, peuvent rendre le débarquement assez difficile pour que nos contre-attaques puissent être victorieuses. » Rommel parlait avec fermeté et concision : « Faute de quoi, malgré le mur de l’Atlantique, l’invasion réussira. A Tripoli et à Tunis, les bombes ont été larguées dans les derniers temps si massivement que nos troupes d’élite en étaient démoralisées. Si vous ne pouvez faire cesser ces bombardements, toutes les autres mesures seront sans effet, même les barrages. » Rommel était poli, mais distant. Il évitait presque ostensiblement l’apostrophe « mon Führer ». Il s’était acquis auprès de Hitler une réputation de spécialiste, aux yeux de Hitler il était devenu une sorte de spécialiste de la défense contre les offensives occidentales. Face à la critique formulée par Rommel Hitler garda son calme, mais il semblait s’être attendu au dernier argument concernant les bombardements massifs. « C’est précisément ce que je voulais vous montrer aujourd’hui, monsieur le Feldmarschall. » Hitler nous conduisit jusqu’à un véhicule expérimental, une voiture blindée de tous côtés, sur laquelle était monté un canon antiaérien de 88 mm. Des soldats firent une démonstration de la puissance de feu, de la protection contre les déplacements latéraux pendant le tir : « Combien pouvez-vous nous en livrer dans les mois à venir, monsieur Saur ? » Saur lui garantit quelques centaines de pièces. « Vous voyez, avec cette D.C.A. blindée, il est possible de disperser les concentrations de bombardiers au-dessus de nos divisions. » Rommel avait-il abandonné l’idée d’argumenter contre un tel dilettantisme de profane ? Toujours est-il qu’il réagit par un sourire méprisant, presque compatissant. Lorsque Hitler remarqua qu’il lui était impossible de susciter la confiance espérée, il prit congé brièvement et se rendit, mécontent, avec Saur et moi dans son bunker pour y conférer, sans revenir sur cet incident. Plus tard, après l’invasion, Sepp Dietrich me fit une relation éloquente de l’action démoralisante de ces tapis de bombes larguées sur sa division d’élite. Les soldats qui avaient survécu avaient perdu leur équilibre et étaient devenus apathiques, leur moral de combattant était brisé pour des jours, même lorsqu’ils n’étaient pas blessés.
Le 6 juin vers dix heures du matin, j’étais au Berghof, lorsqu’un des aides de camp de Hitler me raconta que l’invasion avait commencé le matin même. « A-t-on réveillé le Führer ? » Il hocha la tête : « Non, il n’est informé des nouvelles qu’après avoir pris son petit-déjeuner. » Hitler ayant déclaré quelques jours auparavant que l’ennemi commencerait probablement par une attaque de diversion pour attirer nos troupes loin du lieu del’invasion, personne ne voulait réveiller Hitler, pour ne pas être accusé par lui d’avoir commis une erreur d’appréciation sur la situation.
Lors de la conférence qui se tint quelques heures plus tard dans le grand salon du Berghof, Hitler sembla renforcé davantage encore dans son idée préconçue que l’ennemi voulait l’induire en erreur. « Vous rappelez-vous ? Parmi les nombreuses nouvelles que nous avons reçues, l’une d’elles prédisait avec précision le lieu, le jour et l’heure du débarquement. Cela me confirme dans mon opinion qu’il ne peut pas s’agir encore de la véritable invasion. » Cette information était
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