Au Coeur Du Troisième Reich
Karinhall, après que les représentants de l’industrie des carburants eurent à nouveau décrit la situation désespérée en ce domaine, Göring avait promis solennellement de ne jamais envoyer au front cette flotte qui avait été baptisée du nom de « Reich ». Mais après le début de l’invasion, Hitler et Göring l’engagèrent en France ; elle y fut mise hors de combat sans avantage apparent. Alors, à la fin du mois de juillet, la promesse de Göring et de Hitler fut renouvelée ; une flotte de 2 000 avions de chasse devait être mise sur pied et affectée à la défense du territoire allemand. Elle devait être prête à prendre l’air en septembre ; mais cette réaction fut à nouveau vouée à l’échec par manque de compréhension de la situation.
Rétrospectivement, je déclarai le 1 er décembre 1944, lors d’une conférence consacrée aux problèmes de l’armement : « Il faut bien comprendre que les hommes qui, chez l’adversaire, élaborent la stratégie des bombardements visant l’économie sont au courant de la vie économique allemande et qu’à la différence de nos bombardements, l’ennemi se livre à une planification intelligente. Nous avons eu la chance que l’ennemi n’ait commencé à exécuter ses plans de manière conséquente qu’au cours du dernier semestre… qu’il ait auparavant agi, de son propre point de vue, d’une manière insensée. » En disant cela, j’ignorais que dès le 9 décembre 1942, donc deux années plus tôt, un rapport émanant de l’ « Économie Warfare Division » des Américains avait constaté qu’il était préférable « de causer un degré élevé de destructions dans quelques industriesindispensables, plutôt qu’un degré moindre de destructions dans un grand nombre d’industries. Les résultats accentuent mutuellement et le plan une fois adopté devrait être appliqué avec un esprit de décision inflexible 13 ». Ces vues étaient justes, leur exécution défectueuse.
Dès le mois d’août 1942, Hitler avait déclaré, au cours de conférences avec les chefs de la marine, qu’une invasion, si elle voulait avoir des chances de réussir, présupposait la possession d’un port d’une certaine importance 14 . Car sans la possession d’un tel port, l’ennemi ne pourrait acheminer à la longue que des renforts trop peu importants pour pouvoir résister aux contre-attaques des forces allemandes. L’établissement d’une ligne continue de bunkers rapprochés les uns des autres, et qui se soutiendraient mutuellement sur toute la longueur des côtes française, belge et hollandaise, dépasserait de loin les capacités de l’industrie allemande de construction, en outre on manquerait de soldats pour occuper un tel nombre de bunkers. C’est pourquoi seuls les ports d’assez grande importance furent entourés d’une ceinture de bunkers, tandis que les étendues de côte qui les séparaient étaient occupées de loin en loin par des bunkers d’observation. 15 000 bunkers plus petits devaient servir d’abris aux soldats dans le cas d’une attaque préparée par l’artillerie. Du reste, Hitler s’imaginait que les soldats sortiraient pendant l’attaque proprement dite, une position abritée affaiblissant les qualités de courage et d’engagement personnel indispensables au combat. Ces installations défensives furent prévues jusque dans les moindres détails par Hitler. Il fit même les projets des différents types de bunkers, le plus souvent la nuit. Ce n’étaient que des ébauches, mais elles étaient exécutées avec beaucoup de précision. Ne craignant pas de s’adresser des autosatisfecit, il avait coutume de faire remarquer que ses plans répondaient de manière idéale à tous les besoins d’un soldat au front. Ils furent adoptés presque sans modifications par le général commandant le génie et transmis pour exécution.
Pour construire toutes ces défenses, nous utilisâmes en deux années à peine de travail précipité 13 302 000 mètres cubes de béton 1 5 , d’une valeur de 3,7 milliards de DM ; elles engloutirent en outre 1 200 000 tonnes de fer pris à la production d’armements. Ce déploiement de moyens fut mis en échec quinze jours après le premier débarquement de l’ennemi grâce à une seule idée de génie. Car on sait que les troupes d’invasion amenèrent leur propre port, et construisirent près d’Arromanches et d’Omaha, sur une côte non
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