Au Coeur Du Troisième Reich
7 septembre 1944, dans le Völkischer Beobachter , où s’exprimait ce vandalisme furieux : « Pas un seul épi allemand ne doit servir à nourrir l’ennemi, aucune bouche allemande ne doit le renseigner, aucune main allemande ne doit se tendre pour le secourir. Il doit trouver chaque sentier détruit, chaque rue barrée – il ne rencontrera que la mort, le néant et la haine 13 . »
C’est en vain que j’avais tenté d’éveiller la pitié de Hitler dans le compte rendu de mon voyage : « Dans la région d’Aix-la-Chapelle, on voit des convois de réfugiés misérables qui partent à l’aventure avec de petitsenfants et des vieillards, exactement comme en France en 1940. Si les évacuations prennent de l’ampleur, ces scènes pénibles se multiplieront sans aucun doute, ce qui doit nous inciter à être prudents lorsque nous donnons l’ordre d’évacuer la population. » Je demandais à Hitler « d’aller à l’ouest pour se rendre compte de la situation… Le peuple vous attend 14 ».
Mais Hitler ne vint pas. Au contraire. A peine eut-il appris que le Kreisleiter d’Aix-la-Chapelle, Schmeer, n’avait pas mis en œuvre tous les moyens possibles pour forcer la population à évacuer la ville, qu’il le déclara déchu de son poste, exclu du parti et l’envoya comme simple soldat au front. Il aurait été insensé de vouloir convaincre Hitler de revenir sur sa décision. D’autre part, mon autorité n’était pas suffisante pour me permettre d’intervenir moi-même par mes propres moyens. Poussé par l’inquiétude et préoccupé, je dictai au pied levé un message que Bormann devait faire parvenir aux huit Gauleiter des territoires de l’Ouest après en avoir fait approuver le texte par Hitler. Je voulais pousser ce dernier à se démentir lui-même : laissant de côté les dispositions radicales des derniers jours, je rédigeai une directive générale qui reprenait les décisions que j’avais précédemment obtenues de Hitler pour les cas particuliers. Psychologiquement, mon texte se fondait à nouveau sur sa foi réelle ou présumée en la victoire : s’il ne voulait pas revenir sur son ordre de tout détruire, essayai-je de lui prouver, c’est qu’il avouait considérer la guerre comme perdue et la résistance à tout prix comme inutile. Je commençai par une formule lapidaire : « Le Führer a constaté qu’il peut réussir à reconquérir rapidement les territoires qui sont maintenant perdus. Les territoires de l’Ouest étant particulièrement importants pour l’armement et la production de guerre indispensables à la poursuite de la lutte, toutes les mesures prévues lors de l’évacuation doivent être conçues de manière à pouvoir permettre de remettre en marche l’industrie de ces territoires… Les installations industrielles ne seront rendues inutilisables qu’au tout dernier moment par des mesures « paralysant » les entreprises pour un certain temps… Les centrales électriques doivent être épargnées dans les régions minières afin que l’exhaure des puits de mine puisse être assurée. En cas de non-fonctionnement des pompes et d’une inondation des puits, il faut des mois avant que les puits puissent être remis en service. » Peu de temps après, je téléphonai au quartier général pour demander si le message avait été soumis à Hitler. Il avait été effectivement envoyé, mais avec des modifications. Je m’attendais à ce que Hitler ait biffé certains passages et aggravé les mesures visant à paralyser les entreprises. Mais, en réalité, il n’avait pas touché au contenu objectif du texte, il avait seulement atténué de sa propre main l’expression de sa foi en la victoire. La deuxième phrase disait maintenant : « La reconquête d’une partie des territoires actuellement perdus à l’Ouest n’est absolument pas exclue. »
Bormann transmit ce message aux Gauleiter, et y porta cette mention impérative : « Au nom du Führer, je vous transmets ci-joint, pour exécution stricte et inconditionnelle, une dépêche de M. le ministre du Reich Speer 15 . » Bormann lui-même était entré dans le jeu. Contrairement à Hitler, il semblait entrevoir clairement les conséquences dévastatrices qu’entraînerait la destruction totale des territoires à évacuer.
Mais, au fond, Hitler n’essayait plus que de sauver la face en parlant de la « reconquête d’une partie des territoires actuellement perdus à
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