Au Coeur Du Troisième Reich
bataille où s’était déroulée quelques jours auparavant la tragédie de cette unité nouvellement formée et inexpérimentée. Insuffisamment instruite, elle avait perdu au cours de la marche d’approche dix de ses trente-deux nouveaux chars « Panthère » à la suite d’avaries. Les vingt-deux blindés restants, arrivés sur le champ de bataille, avaient été, comme me le démontra l’officier, conduits en terrain découvert sans reconnaissance préalable, de sorte que quinze d’entre eux avaient été détruits par une unité antichar américaine comme à l’exercice. « C’était le premier engagement de cette unité mise récemment sur pied. Quand je pense à ce que mes troupes expérimentées auraient pu faire avec ces blindés ! » dit le capitaine sur un ton plein d’amertume. Je relatai cet incident à Hitler, et concluai en affirmant non sans ironie que cet exemple prouvait que « des unités nouvellement mises sur pied présentaient souvent des inconvénients majeurs face à des unités regonflées 6 ». Mais ce récit ne fit aucun effet sur Hitler. Au cours d’une conférence d’état-major, il déclara que son expérience de fantassin lui avait montré que les troupes ne veillent sur leurs armes que lorsqu’on reste très strict dans leur remplacement.
D’autres inspections me permirent de constater qu’on tentait, sur le front occidental, d’aboutir à des accords avec l’adversaire sur des questions particulières. Près de Arnhem, je rencontrai le général de la Waffen-SS Bittrich. Son unité, le 2 e corps blindé, avait anéanti la veille une division aéroportée britannique. Le général avait conclu au cours des combats un arrangement avec les Anglais, qui permettait à l’adversaire de continuer à faire fonctionner un hôpital de campagne situé derrière les lignes allemandes. Or des fonctionnaires du parti avaient tué des pilotes anglais et américains. Bittrich, indigné, voyait là un désaveu de ses efforts. Les violents reproches qu’il adressait au parti étaient d’autant plus frappants qu’ils émanaient d’un général SS.
L’ex-aide de camp de Hitler pour l’armée de terre, le colonel Engel, qui commandait maintenant la 12 e division d’infanterie près de Düren, avait lui aussi conclu de sa propre initiative un arrangement avec l’ennemi, qui prévoyait la mise à l’abri des blessés pendant les accalmies. Il n’était pas recommandé de parler de ces arrangements au quartier général, car Hitler invoquant son expérience, considérait ces accords comme des signes de « mollesse ». De fait, nous l’avions souvent entendu tourner en raillerie l’esprit soi-disant chevaleresque traditionnellement en honneur chez les officiers prussiens ; il prétendait au contraire que la guerre telle qu’elle était menée à l’est par les deux ennemis, avec son caractère acharné et impitoyable, renforçait l’endurance du simple soldat, car elle étouffait en lui les considérations humanitaires.
Je me souviens d’un seul cas où Hitler ait entériné sans rien dire, quoique à contrecœur, une convention conclue avec l’ennemi. A la fin de l’automne 1944, les troupes allemandes qui occupaient les îles grecques avaient été complètement isolées du continent par la flotte britannique. Malgré la suprématie navale absolue des Britanniques, les troupes allemandes purent être transportées par bateaux sur le continent sans être inquiétées et elles purent même passer à faible distance des unités de la marine britannique. En contrepartie, du côté allemand, on avait promis de tenir Salonique face aux Russes à l’aide de ces troupes, aussi longtemps que les forces anglaises ne seraient pas en mesure de le faire à leur place. A la fin de cette opération, qui avait été proposée par Jodl, Hitler déclara : « C’est la première fois que nous avons marché dans une pareille combine. »
En septembre 1944, les généraux du front, les industriels et les Gauleiter des régions de l’ouest s’attendaient à voir les Américains et les Britanniques profiter de leur supériorité et déclencher une offensive ininterrompue qui déferlerait sur nos troupes presque désarmées et épuisées par la guerre 7 . Personne n’escomptait qu’on pût les arrêter, aucun de ceux qui avaient conservé le sens des réalités ne croyait plus à la possibilité d’un « miracle de la Marne » en notre faveur.
Dans les
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