Au Coeur Du Troisième Reich
l’industrie chimique au sujet de ce gaz toxique et de son efficacité et intervint auprès de Hitler afin que ce gaz d’un nouveau genre soit employé. Hitler avait toujours repoussé l’idée d’une guerre des gaz, mais il laissa entendre, au cours d’une conversation d’état-major, que l’emploi de gaz pourrait stopper la progression des troupes soviétiques. En disant cela, il s’abandonnait à l’espoir vague que les pays occidentaux accepteraient une guerre des gaz contre l’Est : car, selon lui, le gouvernement anglais et le gouvernement américain avaient intérêt, à ce stade de la guerre, à arrêter la progression des Russes. Personne ne réagissant au cours de cette conversation d’état-major, Hitler ne revint plus sur ce sujet.
Sans aucun doute, les généraux craignaient des conséquences imprévisibles. Pour ma part, j’écrivis le 11 octobre 1944 à Keitel qu’en raison de l’effondrement de l’industrie chimique, les matières premières entrant dans la composition de ce gaz, le cyanogène et le mathanol, étaient épuisées 3 . En conséquence, la production de tabun devait être arrêtée à partir du 1 er novembre et celle de l’ypérite réduite à un quart. Keitel obtint bien un ordre de Hitler qui interdisait toute réduction de la production de gaz toxiques. Mais des dispositions de ce genren’avaient déjà plus aucun rapport avec la réalité. Sans qu’il y ait eu de réponse, la répartition des matières premières chimiques fut effectuée en tenant compte de ma proposition.
Le 11 novembre, je dus ajouter à mes mémoires consacrés aux réductions de la production de l’industrie des carburants une nouvelle information alarmante : depuis plus de six semaines les communications avec la Ruhr étaient bloquées. « Il est évident, d’après l’ensemble de la structure économique du Reich, écrivis-je à Hitler, que la perte de la zone industrielle de la Rhénanie-Westphalie est à la longue insupportable pour l’ensemble de l’économie allemande et pour une poursuite victorieuse de la guerre… Des usines d’armement extrêmement importantes sont à la veille de s’arrêter. Il n’existe aucune possibilité d’éviter ces fermetures d’usines dans les conditions actuelles. »
Le charbon n’étant plus transporté dans le reste du territoire du Reich, poursuivis-je, les réserves de la Reichsbahn diminuent rapidement, les usines à gaz menacent d’arrêter leur production, les fabriques d’huile et de margarine sont à la veille de s’arrêter de fonctionner, l’approvisionnement en coke des hôpitaux est devenu insuffisant 4 .
La fin approchait réellement. Des signes d’anarchie commençaient à apparaître. Les trains de charbon n’atteignaient plus leur destination, mais étaient arrêtés par les Gauleiter et saisis pour couvrir leurs propres besoins. A Berlin, les bâtiments publics n’étaient plus chauffés, le gaz et le courant électrique ne pouvaient être distribués qu’à certaines heures. Nous reçûmes une plainte indignée de la Chancellerie du Reich parce que notre service du charbon avait refusé de lui attribuer tout le contingent de charbon pour le reste de l’hiver.
Face à cette situation, nous ne pouvions plus réaliser nos programmes, mais tenter seulement de produire des pièces manquantes. La production d’armements était terminée lorsque les stocks étaient épuisés. Ce faisant, je sous-estimais, ainsi sans doute que les stratèges de l’aviation ennemie, les stocks importants de pièces détachées qui s’étaient accumulés dans les usines 5 . Car une enquête approfondie révéla qu’on pouvait compter encore sur des rendements élevés dans notre production d’armements, production limitée il est vrai à quelques mois seulement. Hitler accueillit ce dernier « programme de détresse et de production complémentaire », comme nous l’avions intitulé, avec un calme véritablement fantomatique. Mais il ne perdit pas son temps à discuter des conséquences, bien qu’il n’y eût pas de doute possible à leur sujet.
A peu près à cette époque, Hitler déclara lors d’une conférence d’état-major en présence de tous les généraux : « Nous avons la chance de posséder un génie. C’est Saur. Il arrive à surmonter toutes les difficultés. » Le général Thomale attira l’attention de Hitler : « Mon Führer, M. le ministre Speer est présent. – Oui, je sais,
Weitere Kostenlose Bücher