Au Coeur Du Troisième Reich
éloignées, épargnées par les alertes aériennes. Notre plan était simple : comme chaque fois que l’ennemi lâchait des bombes éclairantes, les autos s’arrêtaient et que leurs occupants se dispersaient dans les champs, nous pensâmes que des fusées devaient provoquer les mêmes réactions ; un commando équipé de pistolets mitrailleurs devait alors neutraliser les six hommes d’escorte et capturer les autres. Nous avions commencé à stocker des fusées éclairantes chez moi, à discuter du choix des hommes des commandos, à mettre au point tous les détails. Dans le désordre général, il devait être facile de mettre en lieu sûr les hommes faits prisonniers. Le D r Hupfauer, ancien collaborateur du D r Ley, insista, à mon grand étonnement, pour que le coup de main contre Bormann fût exécuté par des membres du parti venant du front : personne dans le parti, assurait-il, n’était aussi haï que lui. Ainsi le Gauleiter Kaufmann tenait absolument à supprimer de sa propre main « le Méphisto du Führer ». Pourtant le général Thomale, chef d’état-major de l’armée blindée, ayant appris notre projet fantastique, me persuada, au cours d’une conversation nocturne sur une route de campagne, qu’il ne fallait pas intervenir dans la justice divine.
Bormann lui aussi poursuivait la réalisation de ses plans personnels. Ainsi, son secrétaire d’État, Klopfer, m’avertit que ce n’était pas Hitler mais bien Bormann qui était à l’origine de l’arrestation de Brandt. Bormann pensait, à tort d’ailleurs, que si je jouissais d’un grand crédit auprès de Hitler, Brandt y était pour beaucoup. Cette mesure me visait donc également. Aussi Klopfer me prévint-il de me montrer d’une extrême prudence dans mes propos 4 . La radio de nos adversaires me causa aussi quelque inquiétude en diffusant certaines nouvelles : j’aurais aidé un neveu, condamné par un tribunal de guerre pour avoir imprimé des écrits de Lénine,à recouvrer la liberté 5 . En outre Hettlage, que le parti avait toujours combattu, aurait été sur le point d’être arrêté ; un journal suisse enfin aurait publié une brève information selon laquelle l’ancien commandant en chef de l’armée de terre, von Brauchitsch, et moi-même étions les seuls avec qui on pourrait entamer des négociations en vue d’une capitulation. Peut-être nos adversaires cherchaient-ils à diviser les dirigeants en diffusant de telles nouvelles, peut-être aussi s’agissait-il de bruits qui couraient.
En ces jours-là, l’armée de terre m’envoya dans le plus grand secret quelques officiers du front en qui on pouvait avoir confiance. Armés de pistolets mitrailleurs, ils s’étaient installés chez moi. Pour parer à toute éventualité, nous tenions prête une voiture blindée à huit roues qui nous aurait probablement permis de nous échapper de Berlin. Jusqu’aujourd’hui, je n’ai toujours pas pu savoir par qui ou à la suite de quelles informations ces mesures avaient été prises.
L’attaque contre Berlin était imminente. Hitler avait déjà nommé le général Reymann commandant des troupes chargées de défendre la ville. Dans un premier temps, il resta sous les ordres du général Heinrici, commandant en chef du groupe d’armées qui défendait un territoire s’étendant de la Baltique jusqu’à environ cent kilomètres au sud de Francfort-sur-l’Oder. J’avais toute confiance en Heinrici parce que je le connaissais depuis longtemps et que, peu de temps auparavant, il m’avait aidé à sauvegarder l’industrie du bassin houiller de Rybnick. Quand Reymann insista pour qu’on se prépare à faire sauter tous les ponts de Berlin, je me rendis le 15 avril, la veille du déclenchement de la grande offensive russe sur Berlin, au quartier général de Heinrici à Prenzlau. J’avais emmené avec moi, pour qu’ils m’apportent le soutien de spécialistes, le conseiller d’urbanisme Langer, responsable des ponts et chaussées berlinois, et Beck, le directeur des Chemins de fer de Berlin, tandis que Heinrici avait sur ma demande convoqué Reymann.
Les deux spécialistes démontrèrent que les destructions projetées étaient une condamnation à mort de Berlin 6 . Le commandant de la place se retrancha derrière les instructions de Hitler, ordonnant de défendre Berlin par tous les moyens. « Je dois livrer bataille et pour cela je dois pouvoir détruire les ponts. – Mais
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