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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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mais qui, en fait, s’est résigné et a lâché les rênes.
    Il faisait l’effet de quelqu’un qui n’a pas de consistance intérieure. Mais peut-être n’avait-il pas changé en cela. Quand je revois ces années-là, je me demande parfois si ce n’est pas précisément ce côté insaisissable, cette inanité de l’être profond qui le caractérisèrent toute sa vie, de sa prime jeunesse jusqu’à sa mort. La violence pouvait prendre d’autant plus brutalement possession de lui qu’il ne pouvait lui opposer aucune émotion humaine. Personne ne réussit jamais à l’approcher intimement, parce qu’en lui tout était mort, tout était vide.
    A cette inconsistance de l’être s’ajoutait maintenant une sénilité précoce. Ses membres tremblaient, il allait courbé, d’un pas traînant ; sa voix n’était plus assurée et avait perdu son autorité d’antan ; sa diction énergique avait fait place à une élocution hésitante et atone. Quand il s’énervait, ce qui, comme aux vieillards, lui arrivait souvent, on aurait presque cru qu’elle allait se fausser. Il avait toujours ses accès de torticolis qui ne me faisaient plus songer aux attitudes d’un enfant mais à celles d’un vieillard. Il avait le teint blême, le visage enflé. Son uniforme, autrefois d’une propreté méticuleuse, faisait négligé, et il le salissait en prenant ses repas, car il mangeait d’une main tremblante.
    Cet état émouvait sans aucun doute son entourage, qui l’avait connu à son apogée. Moi-même, j’étais souvent tenté de me laisser apitoyer par ce contraste, à plus d’un titre poignant, avec le Hitler d’autrefois. C’est peut-être pour cette raison qu’on l’écoutait en silence engager, alors qu’il se trouvait dans une situation depuis longtemps désespérée, des divisions qui n’existaient pas, donner l’ordre d’organiser des convois aériens dont les avions, faute de carburant, ne pouvaient décoller. C’est peut-être pour cette raison qu’on acceptait de le voir de plus en plus souvent, au cours de ces délibérations, décoller de la réalité pour rejoindre un monde imaginaire, l’écoutant parler de l’imminence des dissensions entre l’Est et l’Ouest, nous jurer presque qu’elles étaient inéluctables. Bien qu’il eût dû voir de quelles illusions Hitler se berçait, son entourage était sensible à la force de suggestion de ces constantes répétitions quand il affirmait, par exempte, que lui seul réunissait la personnalité et l’énergie nécessaires pour, de concert avec l’Occident, vaincre le bolchevisme ; on était tenté de le croire quand il assurait qu’il ne luttait plus que pour ce tournant décisif et que lui, personnellement, ne souhaitait plus que sa dernière heure. Ce calme avec lequel il envisageait sa fin prochaine augmentait notre pitié et notre vénération.
    En outre, il avait perdu de sa rigidité officielle, redevenant ainsi plus aimable. A maints égards, il me rappelait le Hitler que j’avais connu douze ans auparavant, au début de nos relations, à la seule différence que, maintenant, il avait l’air d’une ombre. Son amabilité se concentrait sur le petit nombre de femmes qui l’entouraient depuis des années. Il portait, depuis un certain temps, une affection particulière à M me  Junge, la veuve de son valet de chambre, mort à la guerre ; mais la cuisinière viennoise qui s’occupait de son régime avait ses faveurs, de même que M me  Wolf et M me  Christian, ses secrétaires depuis de longues années, qui, elles aussi, faisaient partie des intimes qui vécurent avec lui les dernières semaines de son existence. C’est avec elles principalement que, depuis des mois, il prenait le thé et ses repas, le cercle de ses amis ne comportant presque plus d’hommes. Ainsi, je ne comptais plus non plus depuis longtemps parmi ses convives habituels. Au reste, l’arrivée inopinée d’Eva Braun entraîna quelques modifications dans les habitudes de vie de Hitler, mais sans rien changer aux relations certainement tout innocentes qu’il entretenait avec les autres femmes de son entourage. Cet attachement se fondait sans doute sur une conception primaire de la fidélité à laquelle, dans le malheur, les femmes semblaient mieux répondre que les hommes, de la fidélité de qui il semblait se méfier. Les seules exceptions notoires étaient Bormann, Goebbels et Ley, dont il semblait être sûr.
    Autour de ce Hitler réduit à

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