Au Coeur Du Troisième Reich
suivante : « Les Russes nous ayant submergés à l’est, le flot des réfugiés allemandsgrossira au point que, telles les grandes invasions, il fera pression sur l’Ouest, il s’y ménagera une brèche par laquelle il s’engouffrera pour le submerger et en prendre possession. » Hitler avait beau se moquer des élucubrations de son chef des travailleurs du Reich, il ne l’en traita pas moins, précisément dans cette dernière période, avec une faveur toute particulière.
A notre grande surprise, Eva Braun arriva à Berlin, dans la première moitié du mois d’avril, déclarant ne plus vouloir quitter Hitler. Celui-ci ne lui avait pas demandé de venir et la pressa de retourner à Munich. Moi-même je lui offris une place dans notre avion-courrier. Mais elle refusa obstinément de nous écouter. Chacun dans le bunker savait pourquoi elle était venue. Tel un symbole tangible, elle s’était installée là en messagère de la mort.
Le docteur Brandt, médecin au service de Hitler et membre habituel du groupe de l’Obersalzberg depuis 1934, avait, selon l’expression technique en usage à l’époque, laissé les Américains « surprendre » sa femme et son enfant en Thuringe. Hitler constitua une cour martiale composée de Goebbels, du dirigeant des Jeunesses hitlériennes, Axmann, et du général SS Berger ; mais intervenant en même temps personnellement dans les débats, en quelque sorte procureur et président en une seule personne, il réclama la peine de mort contre Brandt, attendu que l’accusé savait qu’il aurait pu mettre sa famille à l’abri à l’Obersalzberg, attendu qu’on le soupçonnait d’avoir transmis par l’intermédiaire de sa femme des dossiers secrets aux Américains. M lle Wolf, sa secrétaire en chef depuis des années, déclara en pleurant : « Je ne le comprends plus. » Himmler vint dans le bunker calmer l’entourage bouleversé, annonçant qu’il fallait entendre un important témoin, or, ajouta-t-il d’un air rusé, « on ne trouve pas ce témoin ».
Cet incident inattendu m’avait moi aussi plongé dans l’embarras, car, depuis le 6 avril, ma famille, fuyant les grandes villes, s’était réfugiée au bord de la mer Baltique, dans une propriété des environs de Kappeln, dans le Holstein 3 . Or voilà que c’était devenu un crime. Quand Hitler fit demander par Eva Braun où se trouvait ma famille, je mentis donc en lui faisant répondre qu’elle était dans la propriété d’un ami aux environs de Berlin. Cette explication satisfit Hitler, mais il s’assura cependant que nous le suivrions à l’Obersalzberg lorsqu’il s’y retirerait. En effet, il avait encore à ce moment-là l’intention de livrer le dernier combat depuis sa citadelle des Alpes.
Même si Hitler quittait Berlin, déclara Goebbels, lui resterait dans la capitale pour y mourir. « Ma femme et mes enfants ne me survivront pas. Les Américains les endoctrineraient pour qu’ils fassent de la propagande contre moi. » M me Goebbels au contraire me dit, un jour que j’étais chez elle à Schwanenwerder vers la mi-avril, qu’elle ne pourrait supporter l’idée que ses enfants devraient être tués. Et pourtant elle semblait se soumettre à la décision prise par son mari. Quelques jours plus tard, je lui proposai de faire, au dernier moment, accoster une péniche de notre « flotte de transport » au débarcadère de la propriété de Goebbels à Schwanenwerder. Elle pourrait, avais-je imaginé, rester couchée sous le pont avec les enfants jusqu’à ce que la péniche ait jeté l’ancre dans un affluent occidental de l’Elbe. On aurait stocké suffisamment de nourriture pour qu’elle puisse vivre quelques temps sans être découverte.
Lorsque Hitler eut déclaré qu’il ne survivrait pas à une défaite, un grand nombre de ses collaborateurs s’empressèrent de lui assurer qu’à eux non plus il ne resterait pas d’autre solution que le suicide. Moi, en revanche, je trouvais qu’ils devaient plutôt prendre sur eux et se livrer à la justice de l’adversaire. Deux des plus glorieux officiers de la Luftwaffe, Baumbach et Galland, et moi-même conclûmes en commun, dans les derniers jours de la guerre, un plan aventureux pour nous emparer des collaborateurs de Hitler les plus importants et les empêcher ainsi de se suicider. Nous avions découvert que Bormann, Ley et Himmler quittaient Berlin tous les soirs pour se rendre dans des localités
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