Au Coeur Du Troisième Reich
le gouvernement Dönitz. A mon avis, la capitulation mettait fin à la mission du gouvernement Dönitz, mission qui consistait à terminer du mieux possible cette guerre perdue. C’est pourquoi je proposai, le 7 mai 1945, de faire une dernière proclamation dans laquelle nous nous déclarerions prêts à nous contenter, ayant perdu toute liberté d’action, d’accomplir les tâches découlant de la défaite. « Nous attendons de l’adversaire, avais-je précisé, que malgré les services ainsi rendus, il nous demande des comptes sur nos activités antérieures tout comme aux autres responsables de l’État national-socialiste. » Par cette remarque, je voulais éviter que l’on ne se méprît sur le sens de notre offre de collaboration 4 .
Cependant le secrétaire d’État Stuckardt, qui dirigeait alors le ministère de l’Intérieur, avait élaboré un mémorandum selon lequel Dönitz, en tant que chef d’État ayant légitimement succédé à Hitler, ne pouvait renoncer de son plein gré à ses fonctions. Stuckardt voyait là un moyen d’assurer la continuité du Reich et de garantir les prérogatives de ses futurs gouvernements. Dönitz, qui avait d’abord penché pour ma théorie, approuva cette initiative. L’existence de son gouvernement allait ainsi se trouver prolongée de quinze jours.
Les premiers reporters anglais et américains firent leur apparition et chacun de leurs reportages éveilla des espoirs qui, tous à leur manière, relevaient de l’utopie. En même temps, on vit les uniformes SS disparaître. Du jour au lendemain, Wegener, Stuckardt et Ohlendorf redevinrent civils. Gebhardt, le confident de Himmler, se métamorphosa même en un général de la Croix-Rouge. Le gouvernement, lui, se mit, conséquence de son inactivité, à s’organiser. Dönitz, reprenant une coutume de l’Empire, nomma un chef du cabinet militaire (l’amiral Wagner) et un chef du cabinet civil (le Gauleiter Wegener). Après quelques flottements, on décida de continuer à s’adresser au chef de l’État en lui donnant son titre de grand amiral. On mit sur pied un service d’informations, écoutant les dernières nouvelles sur un vieux poste de radio. Il y avait aussi, égarée à Flensbourg, une des grosses Mercedes de Hitler. Dönitz décida de l’utiliser pour se taire conduire à sa résidence, distante de cinq cents mètres. Il se trouva même un photographe de l’atelier de Heinrich Hofmann, le photographe personnel de Hitler, pour prendre des photos du gouvernement au travail. Devant tout cela, je ne pus m’empêcher de dire un jour à l’aide de camp de Dönitz mon sentiment que la tragédie était en train de tourner à la tragi-comédie. Alors que, jusqu’à la capitulation, il avait agi comme il le fallait, œuvrant avec beaucoup de bon sens pour que le dénouement intervienne rapidement, Dönitz laissait maintenant la situation prendre une tournure déconcertante. Deux membres du gouvernement, les ministres Backe et Dorpmüller, disparurent sans laisser de traces ; le bruit courut qu’on était venu les chercher pour les emmener au quartier général d’Eisenhower, où ils devraient prendre les premières mesures concernant la reconstruction de l’Allemagne. Le Feldmarschall Keitel, qui était toujours chef de l’O.K.W., fut fait prisonnier. Ainsi notre gouvernement n’était pas seulement impuissant, on ne faisait même pas attention à lui.
Nous rédigions des mémorandums dans le vide, essayant de masquer notre peu d’importance par un semblant d’activité. Tous les matins à dix heures, avait lieu dans une ancienne salle de classe, baptisée « salle du Conseil » pour la circonstance, un Conseil des ministres, et on avait l’impression que Schwerin-Krosigk voulait rattraper tout le retard pris les années passées dans ce domaine. On s’asseyait autour d’une table peinte à l’huile, sur des chaises récupérées çà et là dans le bâtiment. Lors de l’une de ces réunions, le ministre du Ravitaillement alors en fonctions avait apporté quelques bouteilles d’eau-de-vie de grain prises dans ses stocks. Après être allés chercher dans nos chambres des verres et des gobelets, nous discutâmes de la meilleure manière de refondre le cabinet pour mieux l’adapter aux circonstances. Une violente discussion s’engagea sur la désignation d’un ministre des Cultes dont la nomination devait compléter le cabinet. Certains proposaient un théologien très connu,
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