Au Coeur Du Troisième Reich
promettait de se prolonger, Dönitz décida qu’en aucun cas nous ne continuerions nos activités en dehors des frontières allemandes. « Si les Anglais, conclut-il, veulent venir nous chercher, qu’ils le fassent ! »
Voyant cela, Himmler demanda à Baumbach, devenu entre-temps commandant de l’escadrille gouvernementale, un avion pour s’enfuir à Prague. Nous décidâmes, Baumbach et moi-même, d’en profiter pour le débarquer sur un aérodrome ennemi. Mais le service de renseignements de Himmler fonctionnait toujours aussi bien, car, d’un ton aigre, il fit à Baumbach la remarque suivante : « Quand on prend vos avions, on ne sait jamais où on va atterrir. » Quelques jours plus tard, aussitôt après qu’une liaison eut été établie avec le maréchal Montgomery, Himmler remit à Jodl une lettre en le priant de la faire transmettre à Montgomery. Comme me le rapporta l’officier chargé de la liaison avec les troupes anglaises, le général Kinzl, Himmler demandait que le maréchal anglais lui accordât la faveur d’une entrevue avec l’assurance de l’impunité. Il désirait voir établi qu’au cas où on le ferait prisonnier, il serait, d’après le droit de la guerre, traité comme un général de haut rang, rappelant qu’il avait été, à un moment donné, le commandant en chef du groupe d’armées de la Vistule. Mais cette lettre ne parvint jamais à son destinataire car, comme il me le raconta à Nuremberg, Jodl la détruisit. Comme toujours dans les situations critiques, on vit en ces jours-là se dévoiler le vrai caractère de chacun. Koch, le Gauleiter de Prusse-Orientale, à un moment donné commissaire général en Ukraine, exigea, dès son arrivée à Flensburg, un sous-marin pour s’enfuir en Amérique du Sud ; le Gauleiter Lohse fit de même. Dönitz refusa tout net. Rosenberg, qui était maintenant le plus ancien Reichsleiter du parti, voulait dissoudre le N.S.D.A.P., affirmant qu’il était le seul à pouvoir le faire. Quelques jours plus tard, on le ramena à Mürwick à demi mort ; il dit qu’il s’était empoisonné, on supposa qu’il s’agissait d’une tentative de suicide ; mais on constata bientôt qu’il était simplement ivre mort.
Mais il y eut aussi des attitudes plus courageuses. Ainsi le gouverneur de Hitler à Prague, Karl Hermann Frank, vint à Flensbourg s’assurer qu’on devait rendre le protectorat sans attenter à la substance de sa vie économique et, muni de cette assurance, repartit en avion pour Prague au lieu de disparaître dans la foule des réfugiés massés dans le Holstein. Le commissaire du Reich pour les Pays-Bas, Seyss-Inquart, franchit de nuit avec une vedette rapide les barrages ennemis pour venir conférer avec Dönitz et moi-même. Repoussant l’offreque nous lui fîmes de demeurer au siège du gouvernement, il retourna en Hollande dans sa vedette rapide. « C’est là-bas qu’est ma place, nous dit-il mélancoliquement. On m’y arrêtera à mon retour. »
Le cessez-le-feu sur le territoire du nord de l’Allemagne fut suivi trois jours plus tard, le 7 mai 1945, de la capitulation sans condition sur tous les théâtres d’opérations, signée solennellement le lendemain par Keitel et les représentants des trois armes munis des pleins pouvoirs, au grand quartier général soviétique, à Karlshorst, près de Berlin. Après la signature de l’acte de capitulation, les généraux soviétiques, que la propagande de Goebbels avaient toujours présentés comme des barbares sans foi ni loi, leur servirent, comme nous le raconta Keitel, un bon déjeuner avec du Champagne et du caviar 3 . La pensée n’effleura manifestement pas Keitel qu’il eût peut-être été bon, après cet acte marquant la fin du Reich et envoyant des millions de soldats en captivité, de ne pas toucher au Champagne offert par les vainqueurs et de se contenter de la nourriture nécessaire pour calmer sa faim. La satisfaction dont le remplissait ce geste des vainqueurs indiquait un effroyable manque de dignité et de savoir-vivre. Mais cela avait déjà été le cas lors de Stalingrad.
Les troupes britanniques avaient encerclé Flensbourg, qui ne constitua plus alors qu’une minuscule enclave dans laquelle notre gouvernement jouissait encore du pouvoir exécutif. Sur le paquebot Patria s’installa, sous les ordres du général Rooks, la « commission de contrôle pour l’O.K.W. » qui fit bientôt office de bureau de liaison avec
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