Au Coeur Du Troisième Reich
divers chantiers restaient éclairés, car équipes de jour et équipes de nuit s’y relayaient. De temps à autre, le bruit d’une explosion se répercutait dans la vallée.
Au sommet de la montagne privée de Hitler, le Kehlstein, Bormann bâtit une maison qu’il fit meubler avec un luxe dispendieux dans un style « paquebot » tirant sur le rustique. On y accédait par une route de construction hardie débouchant sur un ascenseur creusé à la dynamite dans le roc. Bormann engloutit de vingt à trente millions dans cet accès que Hitler n’emprunta que quelques fois pour se rendre à cette maison 44 . Dans l’entourage de Hitler, des railleurs assuraient : « On se croirait dans une ville de chercheurs d’or. La seule différence, c’est que, quand Bormann creuse, il ne trouve pas d’or, mais il le dilapide. » Hitler déplorait ce remue-ménage, mais se contentait de déclarer : « C’est Bormann qui fait ça, je ne veux pas m’en mêler », ou une autre fois : « Quand tout sera fini, je me chercherai une vallée bien tranquille et m’y bâtirai un petit chalet comme le premier. » Mais ce ne fut jamais fini, Bormann trouvait toujours de nouvelles routes à tracer et de nouveaux bâtiments à construire, et, quand la guerre éclata, il se mit à aménager des abris souterrains pour Hitler et son entourage. Bien que, de temps à autre, Hitler ait ronchonné qu’on dépensait trop d’argent, cette gigantesque installation sur la « montagne » était caractéristique du changement intervenu dans son style de vie et de la tendance qui le portait à se retirer de plus en plus du monde qui l’entourait. La peur d’un attentat n’était pas la seule explication plausible de cette évolution. Car, presque tous les jours, il laissait des milliers d’hommes et de femmes venus l’encenser passer le périmètre de défense et défiler devant lui. Le service de sécurité trouvait cette habitude beaucoup plus dangereuse que des promenades improvisées sur des chemins forestiers publics.
A l’été 1935, Hitler avait décidé d’agrandir son modeste chalet et de le transformer en une fastueuse résidence de montagne. Il finança les travaux avec ses propres deniers, mais ce fut un geste purement symbolique, car Bormann dilapida pour les bâtiments annexes des sommes folles puisées à d’autres sources et à côté desquelles la mise de fonds personnelle de Hitler était ridicule.
Hitler ne se borna pas à faire les premières esquisses de sa résidence, le Berghof, mais il en dessina lui-même le plan, les coupes et les vues, déclinant toute aide extérieure et se contentant de m’emprunter planches, équerres et autre matériel de dessin. Hitler ne dessina avec autant de soin que deux autres projets : le nouvel étendard du Reich et le fanion de sa voiture officielle de chef d’État.
Alors que les architectes jettent sur le papier les idées les plus variées pour dégager ensuite la meilleure solution possible, il est caractéristique que Hitler considéra, sans hésiter longtemps, sa première inspiration comme la bonne ; il n’y apporta que des retouches minimes destinées à corriger quelques défauts.
Désirant que la nouvelle construction englobe l’ancienne maison, il pensa à faire communiquer les deux parties par une large ouverture, mais les réunit selon un plan qui se révéla fort peu pratique. Ainsi, quand on recevait des personnalités en visite officielle, leur suite devait se contenter du vestibule sur lequel donnaient les toilettes, l’escalier et la grande salle à manger.
Chaque fois que Hitler menait des pourparlers de cette nature, il exilait ses hôtes privés à l’étage du haut. Or, comme l’escalier donnait sur le vestibule qui commandait également le salon de Hitler, il fallait envoyer des « éclaireurs », afin de voir si la voie était libre et si on pouvait quitter la maison pour aller se promener. Dans le salon, une fenêtre escamotable, célèbre par ses dimensions, faisait la fierté de Hitler. Elle permettait d’avoir une vue très dégagée sur l’Untersberg, sur Berchtesgaden et Salzburg. Sous cette fenêtre, se trouvait le garage de la voiture de Hitler. Par vent défavorable, une forte odeur d’essence pénétrait dans la pièce. Ce plan aurait été refusé dans n’importe quel séminaire de haute école technique. D’un autre côté, ce sont précisément ces défauts qui donnaient au Berghof une note personnelle :
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