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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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de leur valeur. J’ai connu nombre d’industriels ou de militaires qui surent combattre cette tentation. Pour autant que cette puissance s’exerce depuis des générations, on trouve même souvent une certaine incorruptibilité héréditaire. Seuls quelques proches de Hitler, comme Fritz Todt, résistèrent aux séductions de l’État courtisan. Hitler lui-même n’essaya jamais d’arrêter cette évolution.
    Les conditions particulières de son style de gouvernement l’amenèrent, surtout à partir de 1937, à s’isoler de plus en plus, mais son incapacité à établir un contact humain joua aussi un rôle. Dans le cercle de ses intimes, nous parlions souvent, à l’époque, de ce changement chaque jour plus visible. Heinrich Hoffmann venait de faire paraître une nouvelle édition de son livre Hitler, cet inconnu. L’ancienne édition avait été retirée de la vente à cause d’une photo où l’on voyait Hitler s’entretenir amicalement avec un homme que depuis il avait fait assassiner, Röhm. C’est Hitler en personne qui choisit les nouvelles photos ; elles montraient toutes un homme jovial et sans contrainte. On le voyait en culotte de cuir, dans une barque, couché sur une prairie, en promenade, entouré d’une jeunesse enthousiaste ou dans des ateliers d’artistes. On le voyait toujours détendu, aimable et d’abord facile. Ce livre fut le plus grand succès de Hoffmann. Mais, à sa parution, il était déjà dépassé. Car cet Hitler que, moi aussi, j’avais connu au début des années 30, s’était transformé, même pour ses intimes, en un despote distant et froid.
     
    J’avais déniché dans une haute vallée retirée des Alpes bavaroises, la vallée de l’Oster, un petit pavillon de chasse, assez grand pour que j’y puisse installer des planches à dessin et y loger, en nous serrant tous, quelques collaborateurs et ma famille. C’est là qu’au printemps 1935 nous travaillâmes à mes projets berlinois. Ce furent des temps heureux consacrés au travail et à la famille. Mais un jour, je commis une erreur décisive. Je parlai à Hitler de cette retraite idyllique : « Mais, me dit-il, vous pourriez être beaucoup mieux chez moi. Je mets à la disposition de votre famille la maison Bechstein  1  . Là, dans la véranda, vous aurez amplement assez de place pour votre bureau. » Mais nous déménageâmes à nouveau à la fin mai 1937, pour emménager dans un atelier que Bormann avait, sur les instructions de Hitler, fait bâtir d’après mes plans. Je devins ainsi, avec Hitler, Göring et Bormann, le quatrième « Obersalzbergeois ».
    Naturellement, j’étais heureux de connaître une promotion aussi ostentatoire et d’être introduit dans le cercle le plus restreint. Mais je dus bien vite constater que j’avais perdu au change. Nous avions quitté notre haute vallée pour un terrain délimité par de hauts barbelés, où on ne pouvait pénétrer qu’après avoir franchi deux contrôles. On se serait cru dans une réserve de chasse pour grand gibier. Sans arrêt, des curieux essayaient d’apercevoir une des personnalités de la « montagne ».
    Le vrai maître de l’Obersalzberg était Bormann. Il racheta, sous la contrainte, des fermes centenaires qu’il fit raser, en même temps que les nombreux calvaires dispersés dans la forêt, bien que, dans le deuxième cas, la paroisse ait élevé une protestation. Il mit également la main sur des forêts domaniales pour agrandir un terrain qui s’étendit alors du sommet d’une montagne haute de presque 1 900 mètres, jusqu’à la vallée située 600 mètres plus bas, atteignant une surface de 7 kilomètres carrés. La clôture intérieure faisait environ 3 kilomètres, la clôture extérieure 14.
    Insensible au charme de cette nature inviolée, Bormann sillonna ce magnifique paysage d’un réseau de routes ; des sentes forestières, jusque-là recouvertes d’aiguilles de pin et encombrées de racines, il fit des allées goudronnées. Une caserne, un garage, un hôtel pour les invités de Hitler, une nouvelle exploitation agricole, des logements pour les employés en nombre toujours croissant se succédèrent à un rythme aussi rapide que les constructions d’une station brusquement à la mode. Des baraquements abritant des centaines de terrassiers et de maçons poussèrent sur les versants de la montagne, des camions chargés de matériaux de construction circulaient sans arrêt sur les routes ; la nuit,

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