Au Coeur Du Troisième Reich
dans une situation désagréable quand le responsable de l’organisation des Jeux, Pfundtner, secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, soumit à Hitler les premiers projets du nouveau stade olympique. L’architecte, Werner March, avait prévu un bâtiment en béton avec des murs en verre, ressemblant au stade de Vienne. Après la réunion Hitler revint chez lui, où il m’avait mandé avec mes projets, agité et furieux. Sans autre façon, il fit communiquer au secrétaire d’État de devoir annuler les Jeux Olympiques. La raison avancée était que les Jeux ne pourraient avoir lieu en son absence, car c’était au chef de l’État de les déclarer ouverts ; or, lui, ne mettrait jamais les pieds dans une telle boîte de verre moderne. Dans la nuit, j’esquissai un projet prévoyant de revêtir le squelette porteur de pierre naturelle et d’accentuer les corniches. Je fis aussi disparaître le verre et Hitler fut satisfait. Il prit à son compte le financement de la dépense supplémentaire, le professeur March donna son accord à la modification et Berlin sauva ses Jeux. Je n’ai jamais su exactement s’il aurait véritablement mis sa menace à exécution ou si elle n’avait été que l’expression de cette attitude de défi qu’il avait l’habitude d’adopter pour imposer sa volonté.
Hitler avait d’abord également refusé sans ambages de participer à l’Exposition universelle de 1937 à Paris, bien qu’on eût déjà accepté l’invitation et même l’emplacement du pavillon allemand. Mais les projets qu’on lui soumettait lui déplaisaient souverainement. Voyant cela, le ministère de l’Économie me demanda un projet. Les emplacements étaient répartis de telle manière que le pavillon allemand et le pavillon soviétique devaient se faire face, trait d’ironie de la direction française de l’Exposition. Le hasard voulut qu’au cours d’une de mes visites à Paris, je m’égare dans une salle où se trouvait la maquette secrète du pavillon soviétique. Sur un socle très élevé, une sculpture d’une dizaine de mètres de hauteur s’avançait triomphalement vers le pavillon allemand. Voyant cela, je conçus un cube massif, rythmé par de lourds pilastres, paraissant arrêter cet assaut, tandis que, du haut de la corniche de ma tour, un aigle, la croix gammée dans ses serres, toisait du regard le couple soviétique. J’obtins la médaille d’or, mon collègue soviétique aussi.
Au repas d’inauguration de notre pavillon, je rencontrai l’ambassadeur français à Berlin, André François-Poncet. Il me proposa d’exposer mes travaux à Paris en échange d’une exposition à Berlin consacrée à la peinture française moderne. L’architecture française était selon lui restée en arrière mais, me dit-il, « en peinture, nous pourrions vous apprendre des choses ». Dès que j’en eus l’occasion, je fis part à Hitler de cette proposition qui me donnait la possibilité de me faire connaître à l’étranger. Comme chaque fois que quelque chose l’importunait, Hitler ne releva pas mon propos. Ce silence ne signifiait ni refus ni acquiescement mais excluait de lui reparler jamais de l’affaire.
Au cours de ces quelques jours passés à Paris, j’allai voir le palais de Chaillot et le palais des Musées d’art moderne ainsi que le musée des Travaux publics conçu par le célèbre architecte d’avant-garde Auguste Perret et encore en construction. Je fus stupéfait de voir que la France aussi, pour ses édifices d’apparat, tendait au néo-classicisme. On a plus tard souvent affirmé que ce style était la marque de l’architecture d’État des régimes totalitaires. Cela est totalement inexact. C’est plutôt la marque d’une époque reconnaissable à Washington, Londres ou Paris tout comme à Rome, Moscou ou dans nos projets pour Berlin 7 .
Nous avions réussi à nous procurer quelques devises françaises. Accompagnés d’amis nous partîmes en auto, ma femme et moi, visiter la France. Nous descendîmes lentement vers le sud en nous promenant de châteaux en cathédrales et de cathédrales en châteaux. Le spectacle des fortifications de Carcassonne, de leur étendue, nous plongea dans une rêverie toute romantique, bien qu’il se fût agi là d’une des installations militaires les plus fonctionnelles du Moyen Age, rien de plus pour l’époque qu’un abri atomique de nos jours. Nous nous disposions à passer quelques jours dans un
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