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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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devenues très différentes. » (Un an plus tard Richard m’a dit, tout heureux, que Karel et sa femme étaient venus chez eux en Suisse quelques mois auparavant « et nos façons de sentir après tout n’étaient pas différentes. C’était comme si nous nous étions dit adieu la semaine précédente ; nous étions toujours jumeaux ».
    Aujourd’hui on parle encore avec un respect profond, soit parmi les autres survivants, soit chez les anciens SS, du petit groupe tchèque dont Glazar faisait partie, si important dans la vie du camp. « Ils étaient spéciaux », dit Samuel Rajzman, qui maintenant vit à Montréal et qui est lui-même plutôt « spécial » en fait de sagesse et d’accomplissement. « Ils avaient une force particulière, une vitalité spéciale. » – « Les Tchèques, a dit Suchomel, oh ! oui, je me souviens très bien d’eux. Ils formaient un groupe spécial. Masarek, Willie Furst – ils travaillaient dans l’atelier du tailleur sous mes ordres. Et puis il y avait Glazar. Ces gars-là dormaient entre deux édredons de plumes. Ils étaient toujours bien tenus – réellement bien tenus. » Et Berek Rojzman en Pologne a parlé aussi des Tchèques. « Je couchais à côté d’eux. C’était – c’était une sorte de groupe d’élite. Masarek, a-t-il dit avec respect – et bien sûr Glazar. Je les connaissais tous. » C’était un plaisir pour lui de parler d’eux.
    Richard dit qu’ils étaient conscients de ce sentiment chez les autres prisonniers. « À l’époque, c’était gênant pour nous. Ils semblaient penser que nous leur étions supérieurs. Un des Polonais, David Bart, a dit une fois : “ Vous, il faut que vous surviviez. C’est plus important que ce soit vous que nous.” Mais nous étions très peu. À la “période de pointe“du camp – automne et hiver 1942 – sur un millier de travailleurs juifs, dix-huit étaient Tchèques. Deux d’entre nous ont survécu, c’est tout. » (En tout 250 000 Juifs tchèques environ furent tués durant la « solution finale ».)
    Au début de ce que Glazar a appelé la seconde phase, les SS (Stangl, sans doute, avec son sens de l’organisation) décidèrent qu’ils pourraient utiliser certains professionnels et des gens ayant des qualités de chef pour améliorer le rendement.
    À quelques exceptions près (entre autres une femme et un informateur qui fut plus tard « exécuté » par le comité des insurgés) les membres de cette « élite » étaient des Polonais de Varsovie de plus de quarante ans, médecins, ingénieurs, architectes et financiers. Ils avaient la meilleure installation, légèrement isolée, ils portaient des brassards avec le mot Hof jude « Juif de marque » (dérision même dans le privilège) dont le rôle essentiel était de les protéger contre la fantaisie meurtrière de quelques SS (parmi les Tchèques, seul Rudolf Masarek – bien plus jeune que les autres – fut par la suite désigné comme membre de ce groupe).
    Richard a continué. « Plus tard, durant la troisième phase, les brassards n’étaient plus utiles, ils les ont enlevés alors parce que ça les gênait de s’afficher avec ça devant le reste des esclaves quand ceux-ci rentraient la nuit, à moitié morts d’épuisement. »
    Six des jeunes Tchèques, tous arrivés à peu près dans les mêmes temps, sont devenus des amis intimes ; mais même parmi les six, ils se lièrent par deux. « Il y avait Karel et moi. Nous avons travaillé d’octobre à mars à l’entrepôt, plus spécialement dans les vêtements d’homme. Ils nous appelaient « Karel et Richard, des vêtements chics pour hommes ». Celui qui arriva après, c’était Robert Altschuh, étudiant en médecine de vingt-sept ans et après lui, Hans Freund qui avait trente-deux ans ; il travaillait à Prague dans les textiles. Cinq jours après nous est arrivé Rudi Masarek ; il avait vingt-huit ans, les yeux bleus, il était grand et blond ; sa famille avait tenu à Prague une des plus belles chemiseries d’homme. [Quand Suchomel vit Masarek pour la première fois, il lui a dit : « Que diable fais-tu là ? Tu n’es pas juif voyons ? »]
    « Rudi faisait partie en quelque sorte de la jeunesse dorée, dit Richard. Vous voyez ce que je veux dire ? Il appartenait au monde des voitures de sport, du tennis, des week-ends à la maison de campagne et des étés sur la Riviera. Il était à moitié juif ; il n’avait vraiment

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