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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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place dans le ghetto. À cette époque les autres Juifs de Pologne – des centaines de mille – rampaient pour se cacher vers le trou le plus proche. Les Rojzman achetaient maisons et appartements. Les autres acceptaient n’importe quelle besogne et crevaient de faim avec les rations du ghetto ; les Rojzman exerçaient leur métier, se battaient, faisaient du troc, vendaient ceci ou cela, et aucun d’eux ne manquait de nourriture, de vêtements ou d’abri. Ceux qui s’échappaient du ghetto de Varsovie vivaient durement dans les forêts ou étaient hébergés par des chrétiens héroïques ; les Rojzman avaient pris un train réglementé pour aller dans la ville de leur choix.
    Mais en dépit de cette vitalité et de cette ingéniosité en novembre 1942 ils furent embarqués pour Treblinka. Berek fut sélectionné pour le travail, tous les autres moururent dans l’heure de leur arrivée.
    « Mon fils aîné était mort tout bébé ; mais ils ont tué tout le reste de ma famille, y compris ma femme bien sûr et mon gosse de deux ans.
    « Ils m’ont pris pour le travail parce qu’un des hommes du “commando rouge” [ceux qui travaillaient dans les baraques du déshabillage] était un ancien ami. Quand il m’a vu – avec deux autres jeunes hommes qu’il connaissait – il nous a dit de rester dans la baraque et au besoin de nous cacher dans les tas de vêtements – il y en avait des montagnes à même le sol – et il a couru voir le chef de camp juif Galewski, pour lui dire qu’il nous connaissait, que nous étions jeunes et vigoureux et que nous pourrions travailler. Galewski a d’abord dit que moi seul pouvais rester – mais finalement il nous a acceptés tous les trois. J’ai travaillé dans le “commando rouge” tout l’hiver. Ensuite on m’a désigné pour les travaux agricoles – jardins et potagers. »
    Il est évident que Berek Bojzman a employé à Treblinka les mêmes techniques de survie qui avaient déjà fait leurs preuves au-dehors. « J’ai fait du commerce, m’a-t-il dit, avec un sourire. Surtout avec les Ukrainiens. Ils se livraient aux affaires : ils voulaient de l’or, des vêtements, des objets et de la nourriture. D’un autre côté, quand nous étions trop juste, ils pouvaient ramener de la nourriture de chez les paysans en échange d’or et de monnaie et ils nous l’apportaient. Ça marchait, ça marchait bien ; ils étaient comme n’importe qui : ils faisaient du commerce. »
    « Quand je parle d’une soif de vivre, d’un don pour la vie, comme des qualités les plus indispensables, je ne veux pas parler d’actes délibérés ou même de sentiments. C’était en fait des qualités plutôt inconscientes. Un autre don bien nécessaire c’était celui de se faire des relations. Bien sûr, il y a eu des survivants qui étaient des solitaires. Ils vous diront maintenant qu’ils ont survécu parce qu’ils n’ont compté que sur eux. La vérité probablement – mais ou bien ils l’ignorent ou bien ils ne veulent pas l’admettre, devant eux-mêmes ou devant les autres – c’est qu’ils ont survécu parce qu’ils étaient soutenus par quelqu’un, quelqu’un qui prenait soin d’eux autant ou presque autant que de soi-même. Ce sont eux qui maintenant se sentent le plus coupables. Non pas pour quelque chose qu’ils auraient fait – mais pour ce qu’ils n’ont pas fait – pour ce que… et ceci n’est pas un reproche… pour ce que simplement ils n’avaient pas en eux. »
    Il était évident que Richard n’entendait pas dire par là qu’on mourait parce qu’on ne possédait pas ces qualités. Etre choisi pour vivre, ne fût-ce qu’un jour de plus n’était rien d’autre que de la chance, une chance sur mille ; mais c’est alors seulement si l’on avait ce bonheur incroyable, que ces qualités, pensait-il, donnaient une chance de survie.
    Joe Siedlecki maintenant maître d’hôtel au Grossinger Hôtel dans le nord de l’État de New York, est un homme remarquablement beau de 1,90 m qui semble tout à fait capable de prendre soin de lui-même et des autres. Au début de la guerre, il était dans l’armée polonaise « dans les pires batailles » m’a-t-il dit tout de suite. Puis il a été fait prisonnier. Sa femme est une adorable Allemande de trente-deux ans, Erika, qui s’est convertie au judaïsme pour l’épouser. Elle est originaire de Kiel où sa famille vit encore. « Mon père et ma mère ont dit que je

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