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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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BG417. Karel Unger, qui devait voyager avec toute sa famille, avait une inscription différente : BU. Mais nous nous étions convenus que je surveillerais les transports suivants pour le trouver et que je lui réserverais une place près de moi, de façon à ne pas nous lâcher.
    « J’ai vu des hommes sur la plate-forme avec des brassards bleus mais sans insigne. L’un d’eux portait un fouet de cuir – pas du tout d’un modèle courant, mais comme ceux des ménageries. Ces hommes parlaient un allemand bizarre. On entendait des annonces par porte-voix mais tout cela – assez retenu : personne ne nous a rien fait [comportement prescrit pour les convois veinant de l’Ouest]. J’ai suivi la foule : “Les hommes à droite, les femmes et les enfants à gauche”, nous avait-on dit. Les femmes et les enfants ont disparu dans un baraquement situé un peu plus à gauche et on nous a dit de nous déshabiller. Un des soldats SS – j’ai su plus tard son nom, Kuttner – nous a dit d’un air très causant, que nous allions à la désinfection et au bain et qu’ensuite on nous fixerait nos occupations. Les vêtements, nous pouvions les laisser en tas par terre, nous les retrouverions après. Nous devions prendre avec nous nos papiers, cartes d’identité, argent, montres, bijoux. La queue a commencé à avancer, et j’ai vu tout à coup quelques hommes complètement habillés debout à côté d’une autre baraque plus loin en arrière et j’étais en train de me demander ce qu’ils étaient quand juste à ce moment-là un autre SS (il s’appelait Miete) s’est approché de moi et m’a dit : “Avance ; rhabille-toi en vitesse, travail spécial.” C’est la première fois que j’ai eu peur. Tout était calme, vous savez. Quand il m’a dit ça, les autres se sont retournés pour me regarder, et j’ai pensé : “Mon Dieu, pourquoi moi, pourquoi m’a-t-il pris, moi ?” Quand j’ai été rhabillé, la queue avait avancé et je me suis aperçu que plusieurs autres jeunes hommes avaient été choisis également et étaient rhabillés. Nous avons été envoyés au baraquement de travail, dont la plus grande partie, du plancher au plafond était remplie de vêtements, entassés par couches successives. Beaucoup de ces vêtements étaient repoussants, il nous fallait tirer dessus en forçant pour les séparer tant ils étaient collés par la crasse et la sueur. Le chef d’équipe m’a montré comment en faire des ballots, en enveloppant le tout avec des draps ou de grands vêtements. Vous comprenez, on n’a pas eu le temps, pas un moment entre l’instant où on avait été désignés et l’instant où on nous avait mis au travail pour parler à personne, pour faire le point sur ce qui se passait… et bien sûr n’oubliez pas que nous n’avions aucune idée de la destination de ces installations. On a vu ces monceaux de vêtements – je suppose que la pensée a dû pénétrer nos esprits, d’où ça vient, qu’est-ce que c’est. Nous avons dû faire le rapport avec les vêtements que nous venions tous de quitter à côté mais je ne peux pas me rappeler l’avoir fait ; je me souviens seulement qu’en commençant tout de suite à faire des ballots, comme le chef d’équipe m’avait dit, pensais-je, tout à coup il s’est mis à crier : “Plus que ça, plus que ça, il faut en mettre plus que ça si tu veux rester par ici.” Même alors je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire, j’en ai mis davantage et c’est tout. On nous apportait les affaires du dehors, les propres vêtements que les gens arrivés avec moi venaient d’enlever, mais je crois que j’ai continué à ne rien penser ; ça paraît impossible maintenant, mais c’était comme ça. Je suis sorti à mon tour chercher des affaires et tout à coup quelque chose m’a frappé dans le dos – comme une branche qui m’aurait cinglé. C’était un garde ukrainien qui me frappait avec un de ces horribles grands fouets. [« Oui, m’a dit Stangl, il est possible qu’il y ait eu des baleines de parapluie dans les fouets » – « Non, dit Suchomel, il n’y avait rien d’autre que du cuir dans les fouets – ils disent ça maintenant. »] “Cours, hurlait-il, cours !” et j’ai compris à partir de ce moment-là qu’à Treblinka tout travail se faisait en courant. »
    Plus tard, quelqu’un a murmuré la vérité sur Treblinka, « mais prudemment, prudemment », m’a dit Richard.
    La vie à

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