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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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environ 4 000 livres syriennes, et elle ajoute : « Nous avions à peu près 5 000 dollars, nous nous en sommes donc très bien tirés. » Après la première publication dans le Daily Telegraph Magazine de mes conversations avec Franz Stangl, plusieurs personnes ont eu tendance à suggérer qu’un voyage aussi coûteux avait dû être payé avec de l’argent volé, ou encore une fois, avec l’argent du Vatican ou d’« Odessa ». L’agence de voyage Thomas Cook confirme qu’un billet de Beyrouth à Santos (Brésil) via Gênes, qui coûterait maintenant 173 livres sterling ou 1 730 francs environ, devait être beaucoup moins cher en 1951 et qu’il était parfaitement possible à un couple accompagné de trois enfants de s’en tirer pour environ 400 livres ou 4 000 francs.
    « Pendant le trajet de Syrie à Gênes, dit Frau Stangl – confirmant ainsi le récit que m’avait fait son mari – nous avons rencontré un ancien officier britannique qui avait passé trois ans en prison à Téhéran pour espionnage. » De même que Stangl, cet homme avait été dans l’île de Rab pendant la guerre. Mais, coïncidence plus étonnante – et dont le rappel fit venir des larmes aux yeux de Stangl, quand il m’en a parlé – cet homme avait passé quelque temps avec des parents de Frau Stangl dans un bourg du nom de Mürzzuschlag. Lors de la rencontre sur le bateau, il regagnait l’Autriche où il semble qu’il avait décidé de vivre.
    « Dès que nous avons su que nous allions au Brésil, dit Frau Stangl, nous avons écrit à un jeune ingénieur allemand qui avait quitté Damas pour s’y rendre avant nous. Sa fiancée et lui sont venus nous accueillir au bateau à Santos, et nous avons passé notre première nuit à São Paulo chez ses parents à elle, qui étaient germano-brésiliens. Le lendemain nous sommes allés dans une pension de famille et Paul s’est mis aussitôt à chercher du travail. De nouveau, bien sûr, nous n’avions pratiquement plus un sou ; il nous restait exactement 40 dollars. Mais cette fois nous avions toute raison de penser qu’il trouverait tout de suite un emploi. Et ma foi, il est rentré le soir de ce premier jour en disant qu’il avait une chance d’être embauché presque immédiatement et qu’en attendant nous pourrions vivre sur nos 40 dollars. Et la catastrophe s’est produite ; je savais évidemment qu’il nous faudrait changer cet argent – nous avions beau être dans une pension de famille, nous ne pouvions pas rester sans argent liquide. Alors une Allemande dont j’avais fait la connaissance le matin même m’a dit qu’elle pouvait me les changer à un cours avantageux et, idiotement, je lui ai donné tout notre argent. Et elle est revenue en disant qu’elle l’avait donné à un homme qui lui avait promis des cruzeiros à un bon prix et avait filé avec. Je ne pouvais pas prouver qu’elle mentait ; après tout, il est parfaitement possible qu’elle ait été aussi idiote que moi. Toujours est-il que notre argent s’était envolé et qu’il me fallait l’avouer à Paul.
    « Il n’était pas fâché, non ; il ne s’est jamais fâché – au sens où on l’entend – contre moi ni contre aucune de nous – il n’a jamais élevé la voix, il ne s’est jamais mis en colère sauf beaucoup, beaucoup plus tard – et il n’a jamais, jamais frappé ni fessé les enfants. En tout cas, une semaine plus tard, Paul avait un emploi dans une firme textile brésilienne. Il ne parlait pas le portugais mais il s’est débrouillé au début avec l’allemand, l’italien et le peu d’anglais qu’il connaissait et il a appris le portugais à une vitesse fantastique ; c’est cette merveilleuse mémoire qu’il avait. On l’avait embauché comme “tisserand” mais au bout de très peu de temps il a été chargé de l’organisation technique – et notamment de tout ce qui avait trait aux machines. Pour finir, ç’a été un poste d’ingénieur bien plus qu’autre chose. Il gagnait 3 000 cruzeiros [141] . Il est resté deux ans chez Sutema – c’était le nom de la firme, une bonne partie du temps en déplacements. »
    Cette mention des voyages de Stangl à travers le Brésil me remit en mémoire les troupeaux parqués avant d’être amenés à l’abattoir qu’il avait vus du train et qui lui avaient fait penser : « Ça me rappelle la Pologne ; c’est exactement ce regard-là qu’avaient les gens, ce regard

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